LA PLANÈTE
Les variations climatiques passées
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svtT_2000_00_22C
Exercice 2
Reconstituer le climat de l'Éémien
Intérêt du sujet • Cet exercice permet de faire le lien entre les différentes méthodes de reconstitution du climat et de les appliquer à la dernière période interglaciaire.
Le Quaternaire est marqué par des variations climatiques importantes où alternent périodes glaciaires et interglaciaires. Ainsi, les assemblages de mollusques dans les mines d'Amersfoort (Pays-Bas) ont permis à Harting en 1875 de décrire un climat entre –130 000 et –115 000 ans contrastant beaucoup avec la période précédente, dite de Riss, et la période suivante, dite de Würm. Cette période a été nommée Éémien, en référence à la rivière Eem qui coule à Amersfoort.
En exploitant les documents et vos connaissances, montrez que le climat qui régnait pendant l'Éémien contraste avec celui du Riss ou du Würm.
Document 1Évolution de la composition de l'atmosphère en CO2 et en CH4 depuis 400 000 ans
Les mesures ont été réalisées sur des bulles d'air piégées dans les glaces antarctiques. On rappelle que le CO2 et le CH4 sont des gaz à effet de serre.
ppm : partie par million ; ppb : partie par billion (par milliard).
Document 2Extension des glaciers alpins
Document 3Climatogrammes obtenus à partir des fossiles des grands mammifères trouvés dans la grotte du Lazaret (Nice)
Un climatogramme est une classification des animaux par affinité climatique et/ou écologique.
Les groupes « écologiques » sont représentés sur un graphique, en pourcentages, selon un ordre précis, d'un environnement froid (à gauche) vers un environnement tempéré (à droite).
Document 4Étude du δ18O mesuré dans les coquilles de mollusques marins
À gauche, corrélation entre le δ18O des coquilles marines et la température de l'eau.
À droite, évolution du δ18O des coquilles de mollusques marins fossiles trouvés dans la grotte du Lazaret (Nice).
Document 5Données palynologiques (étude des pollens) relevées au Portugal et climats associés
Les clés du sujet
Étape 1. Comprendre le sujet
Il faut commencer par reconstituer le climat de l'Éémien, du Würm et du Riss afin de montrer que celui de l'Éémien était différent des autres.
Étape 2. Exploiter les documents
Le document 1 permet d'estimer les concentrations en gaz à effet de serre pendant les trois périodes étudiées.
Le document 2 indique l'étendue des glaciers pendant l'Éémien et pendant le Riss.
Les documents 3, 4 et 5 fournissent des données sur les fossiles retrouvés dans la grotte du Lazaret. Le document 3 indique les préférences écologiques et climatiques des animaux ; le document 4 indique les variations du δ18O mesuré dans les coquilles de mollusques marins et le document 5 indique les préférences climatiques des associations de végétaux (d'après le pollen).
Étape 3. Construire la réponse
Associez les informations des documents et les connaissances.
L'association des documents 1 et 4 permet de reconstituer les concentrations en gaz à effet de serre et les températures pendant les trois périodes. Rappelez ce que sont les gaz à effet de serre, et le lien entre δ18O et températures.
Les autres documents permettent d'étudier les conséquences de ces températures sur la flore (doc. 5), la faune (doc. 3) et les glaciers (doc. 2). Montrez que ces données sont cohérentes avec celles des documents 1 et 4.
Concluez en soulignant le contraste climatique entre les trois périodes.
Introduction
Les archives sédimentaires montrent que pendant l'Éémien (entre –130 000 et –115 000 ans), le climat était très différent du climat du Riss qui le précédait ou du Würm qui le suivait. Nous verrons ce qui caractérisait ce climat par rapport aux autres époques.
I. Une période plus chaude que le Riss et le Würm
Le document 1 retrace les quantités de CO2 et de CH4, des gaz à effet de serre, dans l'atmosphère. Ces gaz absorbent les rayons infrarouges réémis par la Terre à la suite de son réchauffement par le Soleil : ils participent donc à l'élévation de la température mondiale. Pendant l'Éémien, on observe un pic de la teneur en CO2 (275 ppm contre en moyenne 200 ppm pendant le Riss et le Würm) et en CH4 (600 ppb contre 450 ppb en moyenne pendant le Riss et le Würm), ce qui a pu entraîner une élévation de la température mondiale.
Le document 4 permet de reconstituer les températures par la mesure du δ18O dans les coquilles des mollusques marins. Le 18O étant plus lourd que le 16O, il s'évapore plus difficilement : en période froide, lorsque l'évaporation est plus limitée, les nuages (et les glaces formées) vont donc présenter une sous-abondance de 18O par rapport au 16O, donc un δ18O faible. À l'inverse, le 18O s'étant peu évaporé, il reste plus abondant dans l'océan : une période froide correspondra donc à un δ18O plus élevé dans les sédiments marins.
Cette corrélation négative entre température et δ18O dans les sédiments marins est illustrée dans la partie gauche du document 4. Dans la partie droite du même document, le δ18O des sédiments marins est beaucoup plus élevé pendant l'Éémien (avec des pics jusqu'à – 2 ‰, ce qui correspondrait à des températures de l'eau à proximité de la grotte du Lazaret de 25 °C) que pendant le Riss ou le Würm (avec un δ18O de 1 ‰, correspondant à des températures de la Méditerranée de 10 °C).
L'Éémien est donc une période particulièrement chaude, caractérisée par une teneur importante en gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
II. Les conséquences du réchauffement éémien
Les autres documents permettent d'étudier les conséquences de ce réchauffement. D'après le document 2, les glaciers alpins sont beaucoup moins étendus pendant l'Éémien que pendant le Riss : le Riss est une phase glaciaire, tandis que l'Éémien est une phase interglaciaire. Le document 3 montre que pendant l'Éémien (entre –130 000 et –120 000 ans) la part des mammifères forestiers dans les fossiles de la grotte du Lazaret augmente (de 55 à 70 %) et, parmi eux, la part de forestiers thermophiles, qui ne survivent que dans des milieux relativement chauds (de 8 à 15 %). À l'inverse, les mammifères caractéristiques des milieux froids se raréfient : ainsi, la part des mammifères montagnards diminue de moitié (de 30 à 15 %) et les mammifères arctiques disparaissent complètement.
Ces résultats sont caractéristiques d'un réchauffement du climat dans la région du Lazaret, de même que ceux présentés dans le document 5. Les pollens retrouvés permettent de reconstituer le type de végétation : pendant l'Éémien, elle est dominée par des forêts de climat tempéré ou méditerranéen, alors qu'au Riss et au Würm elle est plutôt dominée par des steppes caractéristiques de climats froids et secs.
Conclusion
L'Éémien est une période où régnait un climat beaucoup plus chaud et humide que le climat froid et sec du Würm et du Riss. C'est une phase interglaciaire, lors de laquelle les glaciers alpins ont reculé et les forêts tempérées et méditerranéennes se sont développées, abritant des animaux caractéristiques de climats chauds. Le Riss et le Würm, au contraire, étaient des phases glaciaires, avec des glaciers alpins étendus et une végétation de type steppe (toundra) ou de forêt froide (taïga), où vivaient des mammifères de climat froid et sec.