France métropolitaine, mai 2022 • Jour 2
Sprint final
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France métropolitaine, mai 2022 • Jour 2
Exercice 2
Régulation de la glycémie lors d’un jeûne
Intérêt du sujet • Ce sujet aborde la régulation de la glycémie au cours d’un jeûne prolongé. On s’attend à ce que l’insuline et le glucagon soient mobilisés. Or c’est le cortisol, l’hormone « du stress », qui intervient ici.
Le jeûne correspond à la privation totale ou partielle de nourriture pour une période donnée. Au-delà de 10 heures de jeûne, des mécanismes physiologiques particuliers impliqués dans la régulation de la glycémie et nécessaires à son maintien autour de sa valeur de consigne se mettent en place. On cherche à comprendre certains mécanismes impliqués dans la régulation de la glycémie lors d’un jeûne prolongé.
Expliquer les mécanismes pouvant être impliqués dans le maintien de la glycémie dans un intervalle de valeurs normales lors d’un jeûne prolongé.
Vous organiserez votre réponse selon une démarche de votre choix intégrant des données des documents et les connaissances utiles.
DOCUMENT 1Concentration de cortisol sanguin avant et après un jeûne prolongé
On mesure la concentration de cortisol sanguin chez 8 hommes avant la période de jeûne et après un jeûne de 5 jours. Les résultats sont présentés dans le graphique.
Chaque point sur le graphique correspond à la moyenne des valeurs de cortisol sanguin mesurées chez un homme pendant 24 heures. Les valeurs obtenues chez un même individu sont reliées par un trait.
Les valeurs indiquées dans le graphique sous les points correspondent aux moyennes calculées à partir des valeurs des concentrations moyennes des 8 hommes avant et après un jeûne de 5 jours.
D’après Bergendhal et al., « Cortisol secretion during fasting », Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, 1996
DOCUMENT 2Rôle des glucocorticoïdes dans l’expression de certains gènes
Afin de comprendre le rôle des glucocorticoïdes (comme par exemple le cortisol) dans la régulation de la glycémie, on mesure la quantité de deux ARN messagers différents extraits de cellules du foie de souris sauvages, 2 heures après l’injection d’une solution physiologique (PBS) ou de dexaméthasone (DEX), un analogue des glucocorticoïdes qui possède les mêmes effets (agoniste) que les glucocorticoïdes.
PEPCK : ARN messager issu de la transcription du gène codant la protéine phosphoénolpyruvate carboxykinase.
S26 : ARN messager issu de la transcription du gène codant la protéine ribosomique S26 exprimée de manière constitutive dans toutes les cellules quelles que soient les conditions et qui est donc utilisée pour vérifier la qualité technique de la manipulation.
D’après Opherk et al., « Glucocorticoid Receptor and Gluconeogenesis », Molecular Endocrinology, 2004, 18, p. 1346-53
* Différence significative
DOCUMENT 3Exemples de réactions chimiques pouvant se dérouler dans les cellules hépatiques
En moyenne, chez un homme de 70 kg, les réserves de glycogène sont estimées à 100 g et sont utilisées à une vitesse de 5 g par heure lors d’un jeûne.
D’autres réactions que celles impliquées dans la glycogénolyse peuvent se dérouler dans les cellules hépatiques. Certaines d’entre elles sont présentées sur le schéma ci-dessous. Elles sont catalysées par différentes enzymes (protéines notées en italique et encadrées).
D’après Beale et al., Cell Biochem. Biophys., 2007
DOCUMENT 4Rôle du récepteur des glucocorticoïdes dans l’expression de certains gènes lors d’un jeûne
Afin de comprendre le mode d’action des glucocorticoïdes dans la régulation de la glycémie, on réalise des expériences sur des souris sauvages et des souris mutantes dont le gène codant pour le récepteur des glucocorticoïdes a été inactivé dans les cellules de leur foie.
Le Northern blot est une méthode de biologie moléculaire permettant l’analyse des ARN messagers. Les ARN messagers sont extraits de cellules, séparés par électrophorèse en fonction de leur taille puis détectés grâce à des sondes (séquences de nucléotides complémentaires à l’ARN messager étudié). La présence d’un ARN messager spécifique est révélée par radiographie et apparaît sous forme d’une tache noire (plus la tache est sombre et grande, plus la quantité d’ARN messagers détectée est importante).
Résultats de Northern blot obtenus à partir d’ARN messagers extraits des cellules du foie de souris sauvages et de souris mutantes
PEPCK : ARN messager issu de la transcription du gène codant la protéine phosphoénolpyruvate carboxykinase.
S26 : ARN messager issu de la transcription du gène codant la protéine ribosomique S26 exprimée de manière constitutive dans toutes les cellules quelles que soient les conditions et qui est donc utilisée pour vérifier la qualité technique de la manipulation.
D’après Opherk et al., « Glucocorticoid Receptor and Gluconeogenesis », op. cit., 2004
DOCUMENT 5Étude de la localisation cellulaire des récepteurs des glucocorticoïdes
Pour étudier le mode d’action des glucocorticoïdes au niveau cellulaire, on intègre une construction génique comportant le gène codant pour le récepteur des glucocorticoïdes associé au gène codant pour la GFP (Green Fluorescent Protein) dans des cellules vivantes (fibroblastes de singe) en culture. Une cellule ayant intégré dans son génome la construction génique exprime alors des récepteurs émettant une fluorescence observable avec un microscope optique à fluorescence lorsque la cellule est éclairée avec des rayons ultraviolets.
Photographies de l’observation au microscope optique à fluorescence d’un fibroblaste de singe ayant intégré la construction génique depuis 24 heures
Sur les deux photographies (A et F), on repère la membrane plasmique de la cellule étudiée par le trait blanc continu et l’emplacement de son noyau par les pointillés blancs.
À t = 0 min, on injecte dans le milieu extracellulaire de la dexaméthasone.
La photographie A est réalisée à t = 0 minute et la photographie F à t = 12 minutes.
La fluorescence observée apparaît en vert sur les photographies ; l’intensité de fluorescence se maintient tout au long de l’expérience.
En absence d’injection de dexaméthasone dans le milieu extracellulaire, la localisation de la fluorescence est équivalente à celle observée dans la cellule correspondant à la photographie A tout au long de l’expérience.
D’après Kino et al., « GR Nucleocytoplasmic Trafficking and Glucocorticoid Resistance », The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 2001, 86, p. 5600-5608
Les clés du sujet
Étape 1. Comprendre le sujet
Il faut expliquer comment l’augmentation de la sécrétion d’une hormone, le cortisol, au cours d’un jeûne prolongé, contribue à maintenir à peu près constante la glycémie, malgré le prélèvement permanent de glucose par les organes. En particulier par le cerveau, qui consomme à lui seul 20 % du glucose sanguin.
Cela nécessite d’expliquer les mécanismes d’action du cortisol qui aboutissent à la production de glucose par le foie.
Étape 2. Exploiter les documents
Le document 1 renseigne sur l’évolution de la concentration plasmatique de cortisol au cours d’un jeûne de 5 jours.
Les documents 2 et 3 renseignent sur l’activation par le cortisol d’une chaîne métabolique hépatique productrice de glucose.
Les documents 4 et 5 informent sur la manière dont le cortisol, en se fixant à ses récepteurs cellulaires hépatiques, assure la constance de la glycémie au cours du jeûne.
Étape 3. Construire la réponse
Introduction
Au cours d’un jeûne prolongé, la glycémie reste à peu près constante, au voisinage de 0,8-0,9 g/L, et cela malgré l’absence d’apport exogène (alimentaire) de glucose. Or les organes, particulièrement le cerveau, consomment en permanence du glucose. Cela implique l’existence d’un mécanisme endogène de production de glucose. À partir des informations fournies par les documents, recherchons les mécanismes en jeu.
I. Un message hormonal au cours d’un jeûne prolongé (doc. 1)
Chez les 8 hommes, la concentration moyenne du cortisol sanguin est nettement plus élevée au bout de 5 jours de jeûne qu’elle ne l’était au départ, avant le jeûne. Il existe une forte variabilité entre eux. La concentration a quasi triplé chez un sujet, alors qu’elle ne s’est élevée que de 50 % environ chez un autre.
conseil
Vous devez montrer que vous exploitez les données chiffrées du document 1.
En résumé, la concentration moyenne de cortisol pour ce groupe a quasi doublé, passant de 284 nmol/L à 594 nmol/L.
Le cortisol, comme toutes les hormones, est un messager chimique. Le message, codé en amplitude, est défini par la concentration plasmatique de l’hormone. Le jeûne a pour effet d’augmenter l’intensité du message émis par les corticosurrénales.
Il faut maintenant envisager les conséquences de l’augmentation de la sécrétion de cortisol au sein de l’organisme.
II. Cortisol et néoglucogenèse (doc. 3 puis doc. 2)
Le secret de fabrication
Nous choisissons d’analyser le document 3 avant le document 2, car les informations du document 3 sur la chaîne de la néoglucogenèse donnent du sens à l’étude du document 2 sur l’action du cortisol.
Le document 3 indique que les réserves de glycogène hépatique, estimées à 100 g, sont épuisées au bout d’une vingtaine d’heures. Ces réserves sont converties en glucose par la glycogénolyse hépatique, et le glucose est délivré dans la circulation sanguine. Le foie étant le seul organe susceptible de livrer du glucose au sang, la glycémie devrait fortement baisser lors du jeûne du fait de la consommation permanente de glucose par le cerveau. Un autre mécanisme producteur de glucose doit donc intervenir au cours du jeûne.
Le document 3 montre une chaîne métabolique, ayant lieu dans les cellules hépatiques, produisant du glucose à partir de composés non glucidiques, pyruvate et acides aminés. Cette chaîne comprend de nombreuses étapes, chacune étant catalysée par une enzyme spécifique. En particulier, une des premières étapes fait intervenir l’enzyme PEPCK.
Le document 2 montre l’effet de l’injection d’un agoniste du cortisol sur la quantité d’ARNm codant pour l’enzyme PEPCK dans les cellules hépatiques. Il renseigne donc sur l’effet du glucocorticoïde sur la transcription du gène codant pour la protéine PEPCK.
L’injection d’une solution physiologique PBS indique la quantité d’ARNm PEPCK en l’absence de stimulation hormonale exogène. Après injection du glucocorticoïde de synthèse, la quantité de cet ARNm est multipliée par 6. Le glucocorticoïde, et donc le cortisol, activent considérablement la transcription du gène codant pour une enzyme intervenant dans la néoglucogenèse. On peut supposer qu’il en est de même pour les gènes codant pour les autres enzymes de la néoglucogenèse.
mot-clé
La néoglucogenèse désigne la formation du glucose à partir de précurseurs non glucidiques tels que pyruvate et acides aminés.
Le conseil de méthode
Le terme de néoglucogenèse se trouve (en anglais) dans le titre de l’article d’où sont extraites les données du document 2. Prenez l’habitude de lire les titres des articles lorsqu’ils sont fournis.
III. Mécanisme d’activation de la néoglucogenèse par le cortisol (doc. 4 et 5)
A. Fixation du cortisol sur ses récepteurs et activation de la néoglucogenèse
Comme pour toutes les hormones, le cortisol doit, pour agir sur ses cellules cibles, se fixer à des récepteurs. Les documents 4 et 5 permettent d’établir comment le cortisol active la néoglucogenèse, en s’associant à ses récepteurs, qui sont des protéines cytoplasmiques.
à noter
Les récepteurs de nombreuses hormones sont membranaires. Ceux du cortisol sont à l’intérieur des cellules cibles.
Le cliché du document 4 indique que la quantité d’ARNm provenant de la transcription du gène codant pour l’enzyme PEPCK est plus importante chez les souris après un jeûne de 48 heures que chez des souris bien nourries. Au cours du jeûne, l’expression de ce gène, qui intervient dans la néoglucogenèse hépatique, a donc été activée.
Chez les souris mutantes ayant un gène codant pour le récepteur aux glucocorticoïdes inactivé, le jeûne n’entraîne qu’une faible augmentation de la quantité de l’ARNm de l’enzyme PEPCK. Le gène codant pour le récepteur aux glucocorticoïdes (dont le cortisol) est donc nécessaire pour activer au moins un gène de la néoglucogenèse (gène PEPCK).
B. Mécanisme d’activation de la néoglucogenèse
Les clichés du document 5 permettent d’établir comment un glucocorticoïde active la transcription d’un gène. La fluorescence des cellules renseigne sur la localisation des récepteurs. Au temps t = 0, en l’absence de glucocorticoïde dans le milieu de culture, la fluorescence est limitée au cytoplasme. Douze minutes après l’injection du glucocorticoïde dans le milieu extracellulaire suivie par la pénétration de ce dernier dans la cellule, la fluorescence est localisée dans le noyau. On en déduit que les récepteurs aux glucocorticoïdes, cytoplasmiques, sont transloqués vers le noyau lorsque les molécules de glucocorticoïdes s’y sont fixées.
Le couple glucocorticoïde-récepteur se comporte alors comme un facteur de transcription qui active la transcription des gènes de la néoglucogenèse.
Conclusion
Le maintien d’une glycémie à peu près constante durant un jeûne prolongé, compensant la consommation de glucose par l’organisme, implique une production endogène de glucose par les cellules hépatiques par néoglucogenèse. Il s’agit d’une chaîne métabolique où du glucose est synthétisé à partir de composés non glucidiques.
Le jeûne constitue un stress pour l’organisme, dont la réponse consiste, comme face à tout autre agent stresseur, en une sécrétion accrue de cortisol par les corticosurrénales. La concentration plasmatique du cortisol augmente, ce qui constitue un message hormonal décodé par les cellules hépatiques.
Le cortisol se lie à ses récepteurs situés dans le cytoplasme des cellules du foie. Les couples cortisol-récepteur sont alors transloqués dans le noyau où ils activent la transcription des gènes de la néoglucogenèse, en particulier le gène qui code pour l’enzyme PEPCK.
L’activation de la néoglucogenèse assure la production de glucose pendant le jeûne, ce qui maintient la glycémie aux alentours de 0,8-0,9 g/L.