Personnages amoureux • Commentaire
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Le roman
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Polynésie française • Septembre 2014
Le personnage de roman • 14 points
Commentaire
Trouver les idées directrices
- Servez-vous des pistes données dans le sujet, dont les mots essentiels sont : « évocation du cadre » et « regard du narrateur sur le personnage ».
- Mais faites aussi la « définition » du texte pour trouver les axes (idées directrices).
Extrait de roman (genre) qui raconte (type de texte) la rencontre amoureuse et le coup de foudre d'un jeune homme (thème), lyrique, un peu ironique (registre), théâtralisé, pittoresque, détaillé, un peu caricatural, amusé, distancé (adjectifs), pour présenter le héros et rendre compte de ses sentiments (buts).
Pistes de recherche
Première piste : une mise en place précise et pittoresque du cadre de la rencontre
- Imaginez visuellement la scène et les personnages pour mieux en voir les éléments.
- Relevez et classez les éléments du décor. Quelle impression créent-ils ?
- Expliquez d'où vient le pittoresque de la description du cadre et du moment de la rencontre.
- Quelle image de l'Italie le narrateur donne-t-il ?
Deuxième piste : le regard complice et amusé du narrateur sur son personnage
- Relevez les expressions qui marquent le jugement du narrateur sur les personnages.
- Quel regard le narrateur porte-t-il sur son héros ?
- Analysez rapidement le personnage de Raoul : s'agit-il d'un héros ?
- Montrez que le narrateur mélange le lyrisme amoureux et des considérations très terre à terre.
Les titres en couleur et les indications entre crochets servent à guider la lecture mais ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
I. Une mise en place précise et pittoresque du cadre de la rencontre
Les auteurs ne laissent rien ignorer du cadre de la rencontre amoureuse. Ils le peignent avec des touches de couleur locale italienne, faisant de la nature une complice de ce moment privilégié.
1. Une mise en scène très précise
- Les
circonstances spatiotemporelles sont définies avec une extrême précision. Il est près de « midi » et la chaleur est intense, les arbres n'offrent plus d'ombre. Le paysage est d'abord décrit dans ses lointains, avec ses « coteaux » et ses « vallons », puis, comme par un effet de zoom, on suit « un mur d'enceinte » jusqu'à la « grille » d'un château au fond « d'une allée », avant que le jeune homme ne reprenne sa marche jusqu'à « l'angle du mur » derrière lequel chante la jeune Milla. - On a l'impression que l'
errance mélancolique – et affamée – de Raoul estsciemment retardée mais on sent bien que, sous l'effet de quelque magnétisme amoureux, il se rapproche, comme par une attraction fatale, de la jeune fille. Milla elle-même apparaît enfin sur « un tertre de gazon » qui la met en valeurcomme sur une sorte d'estrade , de piédestal. - De nombreux verbes de mouvement, à l'imparfait ou au passé simple, précisent dans la durée les
déplacements , lesattitudes de Raoul de Kermadec (« longeait depuis quelque temps un mur d'enceinte », « grimpa sur un mur », « écarta les branches » « passa sa tête »), avant qu'il nes'immobilise sous le coup de la surprise (« il resta sur le mur, le col tendu… »). Qui voudrait transposer cette scène au cinéma trouverait là un scénario tout prêt !
2. Des lieux personnifiés
- Le
décor lui-même se metà l'unisson de cette rencontre amoureuse , dans un phénomène de sympathie au sens propre. Raoul se déplace d'abord dans un paysage vide, comme l'est son cœur désespéré (« pas un toit […] pas un brin de fumée »), dans une chaleur accablante : l'heure ardente est à l'unisson de l'embrasement amoureux qui va enflammer le jeune homme. - Quand Raoul se rapproche du lieu stratégique, comme dans le monde enchanté des contes,
la nature s'anime par des personnifications bienveillantes : « les fleurs rouges regard[ent] curieusement sur la route », la « folle brise » soulève les cheveux de Milla, l'air est « plus embaumé » et le « soleil plus indulgent ».
3. Le souci de la couleur locale
- L'errance de Raoul de Kermadec dans la campagne italienne est géographiquement définie par quelques noms de lieux emblématiques de l'Italie qui
parlent à l'imaginaire du lecteur (« Tivoli », « Rome », « Tibur »). - L'atmosphère italienne est aussi rendue par des
détails pittoresques sur la végétation de « tulipiers », de « sycomores », les « fleurs rouges » des « grenadiers ». Le ciel est « bleu », l'air est « embaumé » et la chaleur est écrasante à ce moment de la journée, comme on peut s'y attendre dans cette région méditerranéenne. - L'allusion aux
châteaux avec « leurs salles peintes à fresque » mais occupés par des hôtes parfois désargentés, quelques mots (« canzonette ») et deux vers d'une chanson en italien complètent le décor. On a même un rappel de lagastronomie italienne avec ces « quelques tranches de mortadelle » dont rêve le jeune marcheur.
II. Le regard complice, un peu distant, un peu amusé du narrateur sur son personnage
Tout en peignant avec exactitude et pittoresque la campagne italienne, le romancier semble jouer avec son personnage, à la fois en le menant, comme un aveugle, vers l'endroit où il veut le conduire et en portant un regard distancié, quoique affectueux, sur ce jeune homme désœuvré et la métamorphose qu'exerce sur lui cette rencontre provocatrice.
1. Ventre affamé n'a pas de… cœur
Les auteurs ne semblent pas prendre très au tragique le « désespoir amoureux » de ce « jeune éploré ».
- En mettant
en parallèle les déceptions amoureuses de Raoulet les exigences de la « faim qui le press[e] », ils relativisent ses états d'âme et, comme un leitmotiv ironique, ils soulignent prosaïquement son « appétit », son désir de quelques tranches « de mortadelle », l'« œil de convoitise » avec lequel il guette les fumées de « cuisine ». Bref, ventre affamé n'a pas de cœur ! - La
rencontre de Milla aura d'ailleurs uneffet miraculeux : le voilà « presque content » ; oublieux de sa fatigue, il repart le « pied léger » et surtout, il a « oublié sa faim ».
2. Une narration distanciée
Les narrateurs prennent d'ailleurs le lecteur à témoin, s'invitent dans leur récit et commentent leur propre narration (« disons-le »).
- Raoul n'est
pas un superhéros , c'est un « jeune et gentil garçon », avec « je ne sais quelle curiosité d'enfant ». C'est un espritimpressionnable et il y a un vraicontraste entre la fascination exercée par le chant sur Raoul – air qui correspond à sa mélancolie, « doux, triste et monotone » –et la grâce de la jeune fille , peu farouche, avec son charme de « belle enfant » et son « sourire » enjôleur. - On a remarqué précédemment que la nature était personnifiée ; paradoxalement, les deux
protagonistes , eux, sontanimalisés par des comparaisons assez plates : Raoul se hisse sur le mur comme « un chat sauvage », et Mella s'enfuit, vive comme « une gazelle ».
Conclusion
Les dés sont désormais jetés : le hasard a donné la première impulsion, l'amour fera le reste. Même si l'on peut, avec du recul, remarquer les procédés assez visibles dont les auteurs se sont servis sans grande retenue, cette rencontre ne manque pas de fraîcheur, de spontanéité et l'Italie de carte postale qu'ils nous décrivent n'est pas sans charme.