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Sécurité collective et limites de la paix

Étude critique de document

Sécurité collective et limites de la paix

2 heures

10 points

Intérêt du sujet • Le texte proposé présente de façon explicite les difficultés de l'ONU à agir en faveur de la paix par la sécurité collective. Vous n'aurez donc pas de difficulté majeure pour le comprendre et l'exploiter à la lumière de vos connaissances.

 

Analysez ce document pour souligner les limites de la paix par la sécurité collective depuis les années 1990.

DocumentLes Nations unies et la paix

Au fil du temps, la paix est devenue pour les Nations unies un état précaire à préserver plutôt qu'à rétablir par des méthodes d'action et de présence inédites. Vient un temps, en effet, où les régimes coloniaux disparus, les populations d'un État se trouvent confrontées à elles-mêmes. Commence alors la lutte pour le pouvoir – guerres, guerres intérieures, un peu partout en Afrique, de la Guinée-Bissau au Kenya, en passant par la Côte-d'Ivoire, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, etc.

Alerté, le Conseil de sécurité ne peut décider d'une action collective, militaire ou d'une prise de sanctions contre un gouvernement coupable. Tout le monde, dirigeants comme opposition, sont plus ou moins fautifs. Du moins faut-il tenter d'empêcher les affrontements les plus sanglants, bref de s'interposer. D'où le choix naturel, sans besoin d'un grand débat juridique sur la source de ces dispositions, de dépêcher des forces de maintien de la paix qui n'ont pas pour mandat de punir un agresseur, de repousser un envahisseur, mais de préserver entre factions opposées un peu de tranquillité. C'est, on le sait, le développement le plus massif des activités de l'ONU.

Des dizaines d'opérations ont été déployées dans le monde, particulièrement en Afrique, avec des dizaines de milliers d'hommes. D'innombrables problèmes, carences, déficiences, lacunes, excès, etc. les ont accompagnés. […]

Ici, en République démocratique du Congo, la tension s'affole. Plus de vingt ans que les factions changent de bord. Et que l'on ne dise pas que l'avènement de la Cour pénale internationale clarifie la lecture des responsabilités. Les verdicts surprennent. La lenteur des procédures inquiète. Les chefs de bandes préfèrent se cramponner à leur vie tourmentée plutôt que de courir le risque d'attendre, en prison, indéfiniment un jugement. La paix, qui elle, à juste titre, justifierait cet adjectif passe-partout de « durable », n'est pas pour demain.

Alain Dejammet, « Les Nations unies et la paix », Questions internationales n° 100, 2019, La Documentation française © DILA.

Note : Alain Dejammet est un ancien ambassadeur de France aux Nations unies.

 

Les clés du sujet

Identifier le document

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Comprendre la consigne

La consigne est centrée sur trois mots et expressions clés : « limites », « paix » et « sécurité collective ». Cette dernière correspond au principe selon lequel les États doivent répondre collectivement aux atteintes à la paix.

Les bornes temporelles du sujet sont explicites : il s'agit d'étudier la période post-guerre froide. Il n'y a pas de borne spatiale définie : l'échelle mondiale est donc à privilégier.

Dégager la problématique et construire le plan

Le sujet vous invite à réfléchir de façon nuancée sur les difficultés des Nations unies à agir en faveur de la paix par la sécurité collective.

La problématique suivante peut vous permettre de répondre à la consigne : Quelles difficultés l'ONU rencontre-t-elle pour mettre en œuvre la sécurité collective depuis les années 1990 ?

Tableau de 3 lignes, 2 colonnes ;Corps du tableau de 3 lignes ;Ligne 1 : I. Un nouveau contexte international; Quels nouveaux types de conflits ?Quels défis pour l'action de l'ONU ?; Ligne 2 : II. Les difficultés du maintien de la paix; Quelle réponse onusienne aux conflits ?Quelles difficultés de mise en œuvre ?; Ligne 3 : III. Le bilan de l'action de l'ONU; Quelle est l'efficacité de la Cour pénale internationale ?Quel avenir pour la paix ?;

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Présentation du document] Le document proposé est un article géopolitique extrait de la revue Questions internationales rédigé en 2019 par Alain Dejammet. Cet ancien ambassadeur de France aux Nations unies dresse un bilan mitigé de l'action de l'ONU en faveur de la paix. [Problématique] Nous étudierons de façon critique ce texte pour répondre à la question suivante : quelles difficultés les Nations unies rencontrent-elles pour mettre en œuvre la sécurité collective depuis les années 1990 ? [Annonce du plan] Pour ce faire, nous présenterons d'abord le nouveau contexte international de l'après-guerre froide [I], puis les difficultés du maintien de la paix dans les zones de conflits [II] ; en dernier lieu, nous réfléchirons aux échecs et aux succès des Nations unies en termes de sécurité collective [III].

I. Un nouveau contexte international depuis les années 1990

1. Des conflits d'un type nouveau

De 1945 à 1991, durant la guerre froide, dominent les conflits interétatiques. Cependant, dès les années 1960, avec l'accès à l'indépendance de nombreuses colonies, débutent de nombreuses guerres civiles, notamment en Afrique (l. 3-7).

Depuis les années 1990, ces conflits intraétatiques s'amplifient et se multiplient. C'est le cas en particulier en République démocratique du Congo qui est le théâtre d'une guerre civile depuis 1997, aggravée par l'ingérence d'États voisins (l. 23-24).

2. De nouveaux défis pour l'ONU

Pour instaurer la paix dans ces zones de conflits, l'ONU ne peut agir contre des gouvernements clairement identifiés tant les responsabilités sont partagées entre des acteurs multiples, au pouvoir ou dans l'opposition (l. 9-11). Ainsi, lors de la guerre civile en République centrafricaine de 2003 à 2013, le président Bozizé tout comme les milices rebelles se rendent coupables de nombreuses exactions.

Le secret de fabrication

En développant un exemple simplement évoqué par le document (ici, celui de la République centrafricaine), vous valorisez votre copie : en effet, vous explicitez les propos de l'auteur tout en montrant au correcteur la solidité de vos connaissances.

L'autre difficulté pour l'ONU est la grande volatilité des situations politiques (l. 24-26) : le soutien d'hier devient l'adversaire de demain. Ainsi, Laurent Gbagbo, président de la Côte-d'Ivoire de 2000 à 2010 est d'abord un interlocuteur des Nations unies avant d'en devenir un adversaire.

à noter

En 2011, Laurent Gbagbo est inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité.

II. Les difficultés du maintien de la paix

1. Les objectifs et les moyens des Nations unies

Comme le rappelle l'auteur aux lignes 12 à 18, l'objectif principal des Nations unies est de s'interposer entre les protagonistes d'un conflit interne. Il ne s'agit donc plus d'agir contre un État qui aurait violé la souveraineté de ses voisins.

Pour y parvenir, le Conseil de sécurité envoie des Casques bleus dans le cadre de missions de maintien de la paix, en particulier sur le continent africain (l. 19-20).

2. Des missions à risques

Les Casques bleus sont souvent la cible d'attaques qui les poussent à riposter et à remettre en cause un cessez-le-feu, comme au Liban. Leurs adversaires, comme le Hezbollah, ont alors beau jeu de critiquer leur partialité.

Dans d'autres situations, ils doivent rester à l'écart des affrontements pour ne pas envenimer une situation explosive, d'où le reproche de passivité qu'on peut leur formuler. On peut penser à l'impuissance de la Mission des Nations unies au Rwanda (MINUAR) face au génocide des Tutsi par les Hutu en 1994.

Parfois même, les soldats missionnés pour maintenir la paix se rendent complices ou coupables d'excès voire d'exactions (l. 21-22). Ainsi, l'opération Turquoise lancée par la France au Rwanda en 1994 avec l'aval de l'ONU a été l'objet de vives critiques en raison du soutien français aux génocidaires.

III. Échecs et succès de la sécurité collective

1. Une paix impossible ?

Selon Alain Dejammet, les Nations unies ont échoué à rétablir la paix ; leurs actions se limitent à éviter que les conflits ne dégénèrent (1re phrase). Son verdict est sans appel : « La paix […] “durable” n'est pas pour demain » (l. 29-31). En d'autres termes, l'ONU aurait failli à sa mission première.

conseil

L'usage du conditionnel vous permet par la suite de nuancer le point de vue, forcément subjectif, de l'auteur.

Dans cette perspective, il pointe les limites du fonctionnement du Conseil de sécurité, qui agit constamment dans l'urgence liée à des situations locales très instables.

De même, il souligne les faiblesses de la Cour pénale internationale mise en place à partir de 2002, en particulier la clémence de certains verdicts et la lenteur des procédures : autant d'éléments peu dissuasifs pour les criminels (l. 24-27). Ainsi, l'ancien président soudanais, Omar el-Béchir, visé par un mandat d'arrêt international en 2009 pour crimes contre l'humanité commis au Darfour à partir de 2003, se déplace en toute liberté.

2. De réels succès

L'ONU a évité le déclenchement d'une troisième guerre mondiale. C'est à la fois le résultat des négociations encadrées par les Nations unies et des nombreuses opérations de maintien de la paix dans le monde (85 depuis 1948).

À l'échelle nationale, l'action de l'ONU a évité l'extension de certains conflits. Ainsi, la MONUSCO (Mission de l'organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo) lancée en 2010 a évité la désintégration du territoire de cet État et le massacre de nombreux civils.

Le secret de fabrication

Cette dernière sous-partie donne une dimension critique à votre devoir. Il ne s'agit pas seulement d'expliciter les propos de l'auteur mais également de confronter son point de vue aux faits historiques. En adoptant ce recul, vous valorisez votre copie.

Conclusion

[Réponse à la problématique] À partir des années 1990, les Nations unies agissent dans un nouveau contexte international pour mettre en œuvre la sécurité collective. Avec la fin de la guerre froide et les dernières indépendances, elles sont confrontées à des défis inédits, en particulier la multiplicité des protagonistes des conflits et la grande volatilité des situations. C'est pourquoi les Nations unies multiplient l'envoi de Casques bleus en mission d'interposition, ce qui les place souvent dans des situations complexes. Cependant, le bilan de l'ONU ne peut se résumer à un échec au regard d'une « paix durable » ; de nombreux succès sont à mettre à son actif. [Ouverture] Toutefois, dans un monde de plus en plus multipolaire, le géopoliticien ­Pascal Boniface estime que l'on assiste aujourd'hui à une « crise du multilatéralisme » qu'est censée incarner l'ONU.

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