L'existence et le temps
Corrigé
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Le sujet
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Nouvelle-Calédonie • Novembre 2011
Le caractère de l'homme est invariable : il reste le même pendant toute la durée de sa vie. Sous l'enveloppe changeante des années, des circonstances où il se trouve, même de ses connaissances et de ses opinions, demeure, comme l'écrevisse sous son écaille, l'homme identique et individuel, absolument immuable et toujours le même. Ce n'est que dans sa direction générale et dans sa matière que son caractère éprouve des modifications apparentes, qui résultent des différences d'âges, et des besoins divers qu'ils suscitent. L'homme même ne change jamais : comme il a agi dans un cas, il agira encore, si les mêmes circonstances se présentent (en supposant toutefois qu'il en possède une connaissance exacte). L'expérience de tous les jours peut nous fournir la confirmation de cette vérité : mais elle semble la plus frappante, quand on retrouve une personne de connaissance après vingt ou trente années, et qu'on découvre bientôt qu'elle n'a rien changé à ses procédés d'autrefois. – Sans doute plus d'un niera en paroles cette vérité : et cependant dans sa conduite il la présuppose sans cesse, par exemple quand il refuse à tout jamais sa confiance à celui qu'il a trouvé une seule fois malhonnête, et, inversement, lorsqu'il se confie volontiers à l'homme qui s'est un jour montré loyal. Car c'est sur elle que repose la possibilité de toute connaissance des hommes, ainsi que la ferme confiance que l'on a en ceux qui ont donné des marques incontestables de leur mérite.
Arthur Schopenhauer, Essai sur le libre-arbitre, 1838.
Dégager la problématique du texte
- Dans ce texte, Schopenhauer envisage la question de l'identité, en se demandant ce qui persiste de nous à travers le temps. L'opinion commune voudrait que nous changions avec le temps – j'ai changé, dira-t-on. Mais un individu change-t-il vraiment ?
- S'il change en apparence, on est toutefois fondé à se demander ce qui, de lui, change alors. Quelle est la part changeante, et inversement le noyau irréductible d'un sujet ? Et si ce noyau irréductible n'existait pas, comment serait-il possible de connaître autrui ? Mais qu'est-ce qu'un caractère, et comment faire reposer la possibilité même de connaître les autres sur une réalité si impalpable, si fuyante ? Notre caractère n'est-il pas lui-même affecté par la vie, par les expériences que nous traversons ? Au fond, ce que nous sommes, c'est-à-dire ce qui, de nous, reste identique à travers le temps, est-ce un caractère ? Mais si notre caractère ne persistait pas au-delà du changement qui nous affecte, comment nous serait-il possible de connaître quelqu'un, et comment nous serait-il possible de nous attacher à lui par certains sentiments, en particulier par la confiance, qui suppose qu'on lui reconnaisse certaines propriétés intangibles qui persisteraient dans l'avenir ?
Repérer la structure du texte et les procédés d'argumentation
- Dans un premier temps, Schopenhauer énonce l'idée qu'il va développer tout au long du texte : ce qui persiste de nous à travers le temps, ce par quoi nous restons identiques à nous-mêmes, ce qui n'est pas altéré par l'évolution de notre vie, c'est notre « caractère ». Il s'appuie ici sur la distinction entre ce qui change de nous et ce qui subsiste, en la renvoyant à la distinction entre apparence et profondeur, forme et matière : certes, un individu connaît du changement, mais ce changement n'affecterait en lui que des propriétés superficielles.
- Dans un second temps, Schopenhauer s'appuie sur l'expérience vécue, donnée pour preuve de cette idée : que tout change dans un individu hormis son caractère, c'est ce qui apparaît de façon évidente lorsque beaucoup de temps est passé et que nous retrouvons quelqu'un.
- Enfin, dans un troisième temps, Schopenhauer répond à l'objection selon laquelle les individus changent en profondeur avec le temps, en présentant deux nouvelles preuves d'expérience : si tel était le cas, alors, serions-nous fondés à faire confiance ou à nous méfier durablement de celui qui nous a un jour été fidèle, ou nous a trahi ? En somme, si un individu changeait en profondeur avec le temps, il nous serait impossible de le connaître.
Éviter les erreurs
Éclairer les mots
- Pour expliquer ce texte, vous devrez d'abord relever les distinctions qui le structurent : invariable / immuable ; même / changeant ; apparence / profondeur ; matière / forme ; à tout jamais / une seule fois.
Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.
Introduction
Comment pouvons-nous
La démonstration de Schopenhauer se développe en trois temps. Dans un premier temps, il énonce l'idée qu'il va développer tout au long du texte : ce qui persiste de nous à travers le temps, c'est notre «
1. Ce qui change, c'est la forme de notre caractère,
et non sa matière
A. Notre caractère reste identique à travers le temps
Schopenhauer énonce l'idée qu'il va développer, en s'appuyant sur la distinction entre
B. Ses changements ne sont que des adaptations
Pourtant, notre caractère change, lui aussi. Nous traversons une épreuve, nous faisons certaines expériences au contact desquelles nous sommes amenés à changer. Mais Schopenhauer distingue alors la «
2. Nos actions restent guidées par le même principe
A. Notre caractère est le principe de nos actions
C'est ainsi qu'on peut dire que notre caractère, c'est nous : « l'homme même », souligne Schopenhauer, c'est-à-dire ce que nous sommes, indépendamment de tout. Mais que sommes-nous ? Qu'est-ce qu'un
B. L'expérience nous le confirme
Schopenhauer en avance une première preuve : ce qui prouve qu'il existe en nous un principe invariable de nos actes, c'est l'expérience de la
3. Si notre identité n'était pas dans notre caractère,
nous ne pourrions connaître autrui
A. C'est ce qui explique la possibilité
de faire confiance ou de se méfier de quelqu'un
Schopenhauer présente une deuxième preuve de l'existence de ce principe d'action invariable, en répondant à l'objection selon laquelle tout change en nous : mais si tout changeait vraiment, même notre caractère, il nous serait impossible de
B. C'est ce qui explique qu'on puisse connaître autrui
Enfin, Schopenhauer conclut son argumentation en établissant un rapport entre l'existence d'un principe immuable de nos actions et la possibilité même de
Conclusion
En définitive, Schopenhauer affronte ici la question de notre
Immuable, inflexible, le caractère est le signe intangible de notre identité.
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.