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Toute vérité est-elle définitive ?

France métropolitaine • Juin 2018

dissertation • Série ES

Toute vérité est-elle définitive ?

Les clés du sujet

Définir les termes du sujet

Toute

« Toute » est ici un adjectif qui signifie « sans exception ». Il donne à notre sujet une extension maximale. Il ne s'agit pas d'une vérité ou de la vérité mais de la totalité de ce qui est appelé vérité.

Vérité

On entend généralement par vérité l'accord de l'idée avec la chose qu'elle représente. La vérité n'est donc pas identique au réel, elle suppose une relation entre l'esprit et ce qu'il définit.

Est-elle définitive

« Définitif » a pour synonymes « déterminé », « irrémédiable » ou « irrévocable ». Est définitif ce qui est fixé de façon telle qu'il n'y ait plus à y revenir. On voit ainsi que ce terme implique une relation au temps qui s'avère être complexe. Une vérité définitive demande peut-être du temps pour être découverte, mais elle est intemporelle au sens où le cours des événements ne saurait la modifier.

Dégager la problématique et construire le plan

La problématique

La problématique apparaît dans la relation de la vérité au temps. Le sujet parle de « toute » vérité, ce qui nous incite à distinguer des genres de vérité. Cependant, l'adjectif « toute » désigne aussi les caractéristiques essentielles de tout ce qui se présente comme une vérité. Est définitif ce qui ne peut être modifié et qui donc échappe au temps. Or, si toute vérité est un accord avec le réel, il est manifeste que celui-ci est changeant. Faut-il alors distinguer des vérités immuables et temporaires ? Dans ce dernier cas, s'agit-il encore de « vérités » ?

Le plan

Dans un premier temps, on marque la différence entre vérité et opinion pour mettre en lumière l'importance de la relation de la vérité au temps.

Une deuxième étape sera consacrée à la différence entre les vérités de raison et les vérités de fait.

La troisième partie réfléchira à la vérité scientifique et au rôle de la subjectivité dans ce domaine.

Éviter les erreurs

Il ne faut pas réduire le sujet à une dissertation générale sur la vérité en ignorant le rapport au temps.

Corrigé

Les titres en couleurs et les indications entre crochets servent à guider la ­lecture mais ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

La vérité n'est pas la réalité mais la propriété d'un jugement. Les faits ne sont en eux-mêmes ni vrais ni faux. C'est ce que l'on affirme ou nie à leur sujet qui peut l'être. Nous avons coutume d'associer à toute vérité l'idée d'objectivité pour l'opposer à l'opinion. Celle-ci est tenue pour changeante et donc jamais définitive, à l'inverse de la vérité qui paraît immuable. N'est-il pas toutefois possible d'envisager que certaines vérités ne soient pas irrévocables ? Le réel évolue, les jugements portés à son sujet sont donc susceptibles de ne plus être vrais. Mais dans ce cas, peut-on encore parler de vérité ? Il importe de clarifier le sens du mot vérité et de saisir ses relations avec la temporalité de notre condition pour répondre à la question posée : toute vérité est-elle définitive ?

1. L'opinion et la démonstration

A. La pensée d'opinion

conseil

Il est souvent utile de définir une notion en l'opposant à une autre qui lui est proche.

Au livre V de La République, Platon définit l'opinion comme une pensée instable car dénuée de fondement rationnel. L'opinion « roule », « flotte », c'est un jugement qui varie selon les circonstances extérieures et les humeurs de celui qui l'émet. La doxa est un ensemble disparate d'idées peu réfléchies qui expriment les émotions ou les préjugés de leurs auteurs. Les sondages en sont la preuve. La même question obtient des réponses différentes selon le moment où elle est posée. Il semble donc impossible de parler d'une opinion définitive. Il nous arrive de dire que notre opinion « est faite », mais nous pouvons en douter car ce type de pensée est par essence voué au changement. Cela n'exclut pas qu'une opinion puisse être vraie. Dans le Ménon, Platon définit « l'opinion droite » comme une pensée qui tombe juste sans pouvoir démontrer ce qu'elle avance. Même « droite », l'opinion est mouvante, semblable en cela aux statues de Dédale dont la légende disait qu'elles se mettaient en marche pendant la nuit.

B. Vérité et démonstration

attention

Une citation doit être expliquée pour que sa place soit justifiée.

Il s'ensuit que la vérité est d'une autre nature que l'opinion. Une pensée vraie est définie par son immuabilité due au fait qu'elle est démontrée. Une démonstration est, selon Leibniz, « un raisonnement par lequel une proposition devient certaine. Ce qui arrive chaque fois que l'on montre à partir de quelques suppositions qui sont posées comme assurées que celle-là s'ensuit nécessairement ». Une proposition est une déclaration qui affirme ou nie quelque chose au sujet de quelque chose. Elle peut donc être jugée vraie ou fausse selon son sens ou selon la conformité avec ce qu'elle désigne. La démonstration est alors un enchaînement de propositions qui doit aboutir à une et une seule conclusion. L'alliance de la vérité avec ce qui est définitif est donc très forte. Ce qui est nécessaire ne peut être autrement qu'il n'est. C'est irrévocable car les relations logiques sont intemporelles. On peut dire qu'il est vrai que telle proposition est fausse quand on a la certitude que rien ne pourra modifier ce jugement.

[Transition] Cette première partie n'est cependant pas suffisante. N'y a-t-il de vérité que dans le cadre de la démonstration ?

2. Vérité et temporalité

A. Vérité de raison et vérité de fait

Aristote soutient que seule une proposition est susceptible d'être démontrée. Cela ne signifie pas que toutes puissent l'être. Si je dis : « une cigogne est sur le toit de ma maison », j'affirme quelque chose au sujet d'un état du réel. Ma proposition est vraie sans être démontrée car elle se fonde sur une perception sensible. Je décris ce que je vois présentement. Deuxièmement, sa vérité est temporaire. Il y aura un temps où cette cigogne ne sera plus sur le toit. Ce point donne lieu à la distinction entre vérité de raison et vérité de fait. La première est issue de la démonstration comme, par exemple, le théorème de Pythagore. Il est impossible que le carré de l'hypoténuse ne soit pas égal à la somme des carrés des deux autres côtés. La seconde est contingente. La cigogne aurait pu ne pas être sur le toit au moment où je l'ai vue. La proposition opposée était donc possible. Ce qui est du domaine sensible est temporel, donc transitoire, mais ce que je dis est vrai au moment où je le ressens. Leibniz parle à ce sujet de vérités « particulières et individuelles », qu'il distingue des vérités « nécessaires et éternelles ».

B. La vérité historique

conseil

Choisissez un exemple pour illustrer votre thèse.

Une vérité de fait reste cependant une vérité. C'est la nature de la proposition qui doit changer. La temporalité et la contingence peuvent aller de pair avec une vérité, pourvu que la chose soit correctement formulée. En ce sens, il est toujours possible de dire que toute vérité est définitive. Il sera toujours vrai que cette cigogne a été tel jour à telle heure sur le toit de ma maison. C'est irrévocable et ce point est très important. Pensons au statut de la vérité historique. Arendt rappelle qu'il y a une réalité des faits qui doit être connue et conservée. Ainsi, il sera toujours faux de soutenir que la Belgique a envahi l'Allemagne en 1914. Certes, l'interprétation est inévitable et nous savons que les historiens peuvent diverger sur l'importance d'un événement. Il reste que la sauvegarde des vérités de fait est capitale sous peine de faire basculer l'histoire dans la fiction. Définir la vérité par l'accord de l'idée et du réel sensible aboutit ainsi à mettre en valeur le rôle de l'esprit dans sa relation au temps. Les faits sont temporels donc passagers, l'esprit dit ce qui est et a été. Les historiens immortalisent les événements en les transformant en objets d'un récit. Hegel écrit qu'ils les déposent dans le temple de Mémoire, la mère des Muses.

[Transition] Il y aurait donc deux types de vérité ayant en commun la propriété d'être définitive. Existe-t-il des vérités qui n'aient pas ce caractère ?

3. Le paradoxe des sciences

A. La vérité scientifique

La vérité scientifique passe pour le modèle de toute objectivité. Les sciences font des hypothèses, expérimentent, et varient leurs protocoles avant de formuler une conclusion. La vérité d'un énoncé est le stade terminal d'une enquête. Ainsi, une proposition vraie demande du temps pour être établie mais ce qu'elle formule prétend valoir intemporellement. Platon estime que les travaux du géomètre débouchent sur la contemplation des propriétés éternelles des figures. Or les sciences modernes intègrent dans leurs résultats les conditions de leur démarche et soulignent l'extrême complexité du réel. Bachelard écrit qu'elles ne connaissent ni « échec radical » ni « succès définitif ». Les sciences sont une activité jamais achevée, elles progressent en rectifiant leurs erreurs. Ceci n'annule pas la différence entre vérité et opinion. Des énoncés scientifiques ont une rigueur mais ils restent conditionnels et, à ce titre, relatifs donc non définitifs. Ils sont vrais tant que les déterminations qui les conditionnent ne changent pas. Même le théorème de Pythagore est relatif à une certaine géométrie.

B. Vérité et subjectivité

Nous sommes ainsi en plein paradoxe. C'est au cœur des sciences que le caractère définitif des vérités est problématique car elles prétendent dire vrai au sujet du réel. Cela nous oblige à réfléchir au rôle de la subjectivité dans la position des vérités. Nous sommes des êtres temporels et, à ce titre, nos jugements sont marqués par notre finitude. Un jugement définitif marque donc une volonté de résister au temps. Descartes le montre lorsqu'il affirme que « cette proposition : je suis, j'existe, est nécessairement vraie toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois dans mon esprit ». Le doute méthodique a suspendu la croyance aux choses sensibles et même aux vérités mathématiques mais je ne peux douter d'être tant que je pense. C'est du sein de ma temporalité que je découvre, par une méditation, une vérité intangible qui requiert une présence de l'esprit à lui-même. L'identité de la pensée et de mon existence est indubitable. Dans un autre domaine, la vérité du croyant est obtenue par un acte de foi mais elle se présente aussi comme une certitude subjective. La foi est, selon Pascal, « Dieu sensible au cœur, non à la raison ». À ce titre, un croyant peut estimer que l'existence de son Dieu est une vérité irrévocable même s'il ne peut la démontrer. Dans les deux cas, le caractère définitif de la vérité énoncée est dû à la qualité d'un acte de l'esprit.

Conclusion

En conclusion, il apparaît qu'il existe des vérités non définitives dans les sciences car elles cherchent à connaître objectivement le réel, ce qui ne peut se faire que de façon conditionnelle et fragmentaire. Cela étant, même un fait passager et contingent peut donner lieu à une vérité irrévocable pourvu que la proposition qui l'énonce soit correcte. Dans ce cas, l'aspect définitif de la vérité ne vient pas des choses désignées mais de l'adéquation de ce qui est dit au réel. Enfin, il est possible de donner à une certitude subjective une valeur définitive.

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