LE VIVANT
Le passé géologique de notre planète
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svtT_2000_00_13C
Exercice 2
Un affleurement complexe en Alsace
Intérêt du sujet • Dans le sud de l'Alsace, un affleurement témoigne de la présence d'une chaîne de montagnes aujourd'hui disparue. Grâce aux nombreux indices récoltés sur le terrain, vous pouvez retrouver les grandes lignes de son histoire.
Dans la vallée d'Oderen, dans le sud de l'Alsace, les élèves ont étudié un affleurement permettant de reconstituer une grande partie du cycle orogénique varisque. C'est celui qui a donné naissance à une immense chaîne de montagnes traversant l'ensemble de l'Europe, dont les Vosges, le Massif Central et le Massif Armoricain sont des vestiges.
Reconstituez dans l'ordre chronologique les événements enregistrés dans cet affleurement et rattachez-les aux épisodes du cycle varisque.
Document 1Coupe et carte géologiques simplifiées de la colline de Thalhorn
Document 2Le conglomérat de Bergenbach
Les galets de serpentinite, de gabbro et de gneiss de ce conglomérat proviennent manifestement de roches sous-jacentes. D'après les fossiles contenus dans sa matrice, ce conglomérat se serait formé au Dévonien.
Document 3Les turbidites d'Oderen
Les turbidites sont des sédiments ayant dévalé une forte pente, comme celle d'un talus bordant une plateforme continentale. Les turbidites d'Oderen sont inclinées à 45° et contiennent des fossiles de brachiopodes datant du Carbonifère inférieur.
Document 4Le granite
Le granite affleurant se présente sous forme de petits filons contenant des cristaux de biotite, d'amphibole et de feldspath dans une matrice à petits cristaux. D'après l'étude géochimique, c'est un granite d'anatexie d'environ 330 Ma.
ph © Hervé Mulard
Document 5Les serpentinites et les gabbros
Les serpentinites sont des péridotites métamorphisées dans le faciès schiste vert.
Des gabbros formés dans le même contexte provenant d'un affleurement voisin (klippe de Kruth-Sauwas) ont été datés selon la méthode samarium-néodyme à 372 ± 18 Ma.
ph © Hervé Mulard
Document 6Les gneiss
Les gneiss sont des roches typiques de la croûte continentale. Ils résultent en général du métamorphisme de roches granitiques. En appliquant la méthode U/Pb aux zircons contenus dans ces gneiss, on peut dater les derniers événements thermiques qu'ils ont subis.
L'uranium 235 et 238 sont radioactifs et se désintègrent respectivement en plomb 207 et 206, selon des constantes respectives λ235 = 9,85 × 10–10 an–1 et λ238 = 1,55 × 10–10 an–1.
On montre que l'âge
Ces gneiss ont donné des rapports 207Pb/235U = 0,762
et 206Pb/238U = 0,0932.
Document 7Extrait de l'échelle chronologique suivant le Protérozoïque
Les clés du sujet
Étape 1. Exploiter les documents
Au brouillon, reprenez rapidement la coupe du document 1 en y ajoutant les dates obtenues à partir des autres documents.
Replacez chaque date absolue dans l'échelle des temps géologiques du document 6.
Pour chaque roche, relevez si elle a été modifiée depuis sa formation et par quel processus (métamorphisme, tectonique, etc.). Reliez quand c'est possible la modification au contexte.
Grâce aux principes de la stratigraphie, donnez la chronologie relative des différentes structures géologiques et identifiez les contacts anormaux.
Étape 2. Construire la réponse
Rédigez la réponse en rappelant systématiquement les numéros des documents lors de leur utilisation et reprenez les idées par ordre chronologique, pour être le plus clair possible.
Chronologie des événements
L'affleurement présente des gneiss, qui auraient, par la méthode U/Pb, au moins 575 Ma (doc. 6). Ces gneiss proviendraient d'une croûte continentale existant au Protérozoïque (doc. 7).
Les gneiss sont intercalés dans des serpentinites et des gabbros (doc. 1). Ces dernières roches sont caractéristiques d'une lithosphère océanique et forment un complexe ophiolitique. Il y avait donc ici un ancien océan, qui existait il y a 372 Ma (doc. 5), c'est-à-dire à la fin du Dévonien. La présence de lithosphère continentale et de lithosphère océanique, et sans accident majeur, peut indiquer qu'on n'est pas loin d'une bordure continentale.
Ces roches sont recouvertes de conglomérats (doc. 1). Pour les dater, on peut utiliser soit le principe de superposition, soit le principe d'inclusion (doc. 2), car ces conglomérats contiennent des galets de serpentinite, de gabbros et de gneiss. Comme les conglomérats datent du Dévonien, on en déduit qu'ils se sont formés entre –372 Ma (formation du gabbro) et –359 Ma (fin du Dévonien).
Tout ce complexe de roches surplombe les turbidites d'Oderen, datées du Carbonifère inférieur (doc. 4). Comme les roches anciennes se superposent aux roches plus récentes et que l'on observe un contact anormal, on peut supposer que l'ensemble gneiss/serpentinite/gabbro/conglomérat constitue une nappe ophiolitique charriée sur les turbidites d'Oderen. Ces turbidites étant inclinées, elles ont probablement été renversées au cours d'un épisode de compression, peut-être le même à l'origine de la nappe de charriage.
Pour finir, les filons de granite recoupent l'ensemble des structures précédentes (doc. 1) : ils sont donc postérieurs. Ce sont des granites d'anatexie (nés dans la racine crustale) datés de –330 Ma, ce qui permet de dater la collision entre le Carbonifère inférieur (les turbidites d'Oderen se sont formées en mer) et –330 Ma.
Conclusion
L'affleurement de Bergenbach-Thalhorn permet de retracer le cycle orogénique varisque dans la région :
présence d'une ancienne lithosphère continentale dès le Protérozoïque ;
extension océanique à la fin du Dévonien et au début du Carbonifère ;
collision entraînant des nappes de charriage, avec des ophiolites, des plis (dans les turbidites), puis intrusion de granites d'anatexie au Carbonifère moyen ;
érosion jusqu'à l'époque actuelle.
à noter
L'érosion est le dernier épisode qui touche l'affleurement. Sans elle, les roches ne seraient pas exposées à la surface.