Le patrimoine
Usages sociaux et politiques et enjeux de la préservation
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Étude critique de document
Un patrimoine disputé : les frises du Parthénon
Intérêt du sujet • Les frises du Parthénon sont en partie conservées au British Museum. Cet exemple permet d'aborder les enjeux géopolitiques de l'appropriation du patrimoine.
À l'aide du document et de vos connaissances, vous montrerez en quoi le cas des frises du Parthénon est révélateur des enjeux géopolitiques du patrimoine.
DocumentBrexit : le Royaume-Uni devra-t-il rendre la frise du Parthénon ?
La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'est pas sans risque […], elle vient de relancer les discussions autour de la restitution des marbres du Parthénon qui opposent depuis près de 200 ans la Grèce au British Museum. C'est du moins ce que laisse à penser un document qu'a pu se procurer […] l'AFP, lequel ravive les craintes du British Museum de devoir se séparer de ces célèbres sculptures (frise, fronton et plaques sculptées), chefs-d'œuvre de l'art grec classique, démontées du Parthénon au début du xixe siècle et achetées par l'institution. Une clause aurait en effet été ajoutée au mandat de négociations de l'Union européenne, à la demande de la Grèce, de Chypre et de l'Italie, et inviterait les pays membres à « aborder les questions relatives au retour ou à la restitution vers leur pays d'origine des biens culturels illégalement déplacés ». Si le texte vise plus particulièrement l'activité des maisons de ventes britanniques, nul doute que la question du retour des marbres du Parthénon s'y dessine en filigrane. Si les premières demandes de restitution ont été faites par la Grèce au lendemain de son indépendance en 1822, le British Museum s'est toujours refusé à leur donner suite, affirmant que ces illustres antiquités faisaient partie d'un patrimoine commun à tous et que leur acquisition s'était faite en toute légalité. […]
En septembre 2019, le Premier ministre grec […] tentait un nouveau coup de poker en proposant à son homologue britannique, Boris Johnson, d'exposer à Londres des trésors archéologiques jamais sortis de la Grèce en échange du retour d'une partie de la frise pour les célébrations hellènes de 2021. […] Les négociations en cours dans le cadre du Brexit viennent donc relancer cette proposition restée depuis lettre morte. […]
Si le British Museum fait la sourde oreille, les Britanniques eux ne sont pas contre un retour des marbres du Parthénon à Athènes, […] 56 % souhaitent qu'ils soient restitués à la Grèce. […] The Guardian s'est saisi de la question en publiant un article en faveur du retour des œuvres en Grèce. Le texte affirme notamment que […] « rendre les marbres du Parthénon à Athènes serait reconnaître la légitimité des attachements émotionnels et de l'identité d'un partenaire européen qui sort à peine d'une crise économique de plus de dix ans. Cela démentirait également l'idée que la Grande-Bretagne est devenue tellement fascinée par son propre empire perdu qu'elle est incapable de restaurer une injustice passée ».
Anne-Sophie Lesage-Münch et Élodie Stracka, « Athènes vs le British Museum : les négociations du Brexit relancent le débat autour de la restitution des marbres du Parthénon », www.connaissancedesarts.com, 25 février 2020.
Les clés du sujet
Identifier le document
Comprendre la consigne
Il s'agit ici d'expliciter un texte à partir de vos connaissances : il faudra présenter les tensions entre la Grèce et le Royaume-Uni concernant le lieu de conservation des frises du Parthénon.
Le texte décrit une situation : vous devrez l'analyser en recherchant ses causes et ses possibles conséquences.
Dégager la problématique et construire le plan
La problématique est donnée par le sujet, vous pouvez donc facilement la reformuler : en quoi ce texte témoigne-t-il des tensions géopolitiques à l'œuvre concernant l'appropriation des frises du Parthénon par le Royaume-Uni ?

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] Le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni est sorti officiellement de l'Union européenne. Alors que les sujets de discussion sont encore nombreux concernant les futures relations entre le vieux continent et les Britanniques, la question des biens culturels volés semble vouloir prendre place dans les négociations. [Présentation du sujet] Cet article, publié sur le site Internet de Connaissance des arts, évoque les tensions qui opposent encore aujourd'hui la Grèce au Royaume-Uni à propos des marbres de la frise du Parthénon conservés au British Museum. [Problématique] En quoi ce texte témoigne-t-il des tensions géopolitiques à l'œuvre concernant l'appropriation des frises du Parthénon par le Royaume-Uni ? [Annonce du plan] Nous présenterons les origines de ces tensions [I], tensions anciennes ravivées par le Brexit [II], puis leurs possibles conséquences [III].
I. Des tensions anciennes autour d'un patrimoine unique
1. Une œuvre patrimoniale unique
Dans cet article, les auteurs évoquent rapidement l'objet de ces tensions gréco-britanniques : « ces célèbres sculptures (frise, fronton et plaques sculptées), chefs-d'œuvre de l'art grec classique » (l. 6-8). Il est ici évidemment question d'une grande partie de la frise intérieure sculptée sur le Parthénon, ou frise des Panathénées.
Cette frise commémore la procession qui se déroulait en l'honneur de la déesse Athéna, divinité protectrice d'Athènes. Sculptée au ve siècle avant J.-C. et longue de 160 mètres, c'est un joyau de l'art grec antique qui témoigne de l'apogée de la cité grecque et de son régime politique, la démocratie.
2. Une œuvre déplacée
C'est près de la moitié de la frise originelle qui a été « démontée du Parthénon au début du xixe siècle et achetée par l'institution » (l. 8-9), c'est-à-dire par le British Museum. Ici les journalistes font un raccourci rapide. C'est en fait l'ambassadeur britannique à Constantinople, le comte d'Elgin, qui, en 1801, alors que la Grèce est sous domination ottomane, obtient du sultan l'autorisation d'emporter les sculptures.
Espérant les vendre au meilleur prix, le comte Elgin entrepose les marbres sur un terrain humide à Londres où, déjà abîmés par le voyage, ils souffrent de l'humidité et se détériorent rapidement. Ce n'est qu'en 1816 que le British Museum rachète les éléments de la frise et des statues venues d'Athènes et de toute la Grèce. Une galerie spéciale est aménagée dans le musée pour les accueillir.
conseil
N'hésitez pas à critiquer le document, très vague sur le contexte historique. À vous de rappeler ce contexte et à bien le développer pour le rendre compréhensible au lecteur.
[Transition] Si les frises ont été acquises légalement par le British Museum, les circonstances politiques de leur déplacement sont source de débat. Ce débat a été ravivé par la sortie récente du Royaume-Uni de l'Union européenne.
II. Des tensions anciennes ravivées par le Brexit
1. Un patrimoine revendiqué par la Grèce
« Si les premières demandes de restitution ont été faites par la Grèce au lendemain de son indépendance en 1822, le British Museum s'est toujours refusé à leur donner suite » (l. 16-18), car le Royaume-Uni ne souhaite pas se défaire de cette œuvre emblématique. Le roi Othon Ier a bien tenté de les racheter, entre 1834 et 1842, en vain.
Dans les années 1980, la Grèce a de nouveau réclamé le retour des frises à Athènes, lors d'une conférence de l'Unesco. Ce retour, demandé après la chute de la dictature militaire (1967-1974), aurait été comme un symbole du retour de la démocratie dans le pays, un symbole de l'unité nationale retrouvée.
L'Acropole, dont le Parthénon, est classée au patrimoine mondial depuis 1987. Depuis plus de trente ans, les relations entre les deux pays à propos de ce patrimoine sont très tendues. L'Unesco n'a pas réussi à rapprocher les deux parties, le Royaume-Uni affirmant que cette œuvre est « un patrimoine commun à tous » (l. 19-20).
2. Des tensions ravivées par le Brexit
« La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'est pas sans risque, elle vient de relancer les discussions autour de la restitution des marbres du Parthénon » (l. 1-3). En effet, la Grèce a profité des négociations autour du Brexit pour relancer le débat.
à noter
Dès lors que les Britanniques sont sortis de l'Union européenne, la Grèce n'a plus de raison d'être conciliante avec un pays qui n'est plus membre de la même organisation régionale.
L'article évoque un autre épisode récent de ces tensions, alors que le processus de sortie du Royaume-Uni de l'UE était sur le point d'aboutir puisque Boris Johnson était déjà Premier ministre : en offrant « d'exposer à Londres des trésors archéologiques jamais sortis de la Grèce en échange du retour d'une partie de la frise » (l. 23-24), la Grèce décidait d'évoquer à nouveau la question de sa propriété.
[Transition] Ces tensions, qui remontent à l'indépendance de la Grèce et ont été récemment ravivées, réveillent surtout le débat sur la propriété patrimoniale. Ce débat est lourd de menaces pour le Royaume-Uni.
III. Des tensions lourdes de menaces pour l'avenir
1. La question de la propriété patrimoniale
« Les Britanniques eux ne sont pas contre un retour des marbres du Parthénon à Athènes, […] 56 % souhaitent qu'ils soient restitués à la Grèce » (l. 28-30). Cette citation montre bien que les choses sont en train de changer. Si les frises du Parthénon sont un élément du patrimoine de l'humanité, elles sont particulièrement attachées à l'identité grecque, et l'idée d'une restitution fait son chemin dans l'opinion publique.
Il faut dire que l'argument principal de la Grèce est facilement compréhensible : elle considère que l'Empire ottoman, puissance occupante, n'était pas légitime pour concéder ce trésor national au Royaume-Uni.
2. Un retour possible ?
Pendant longtemps, le British Museum a reproché à la Grèce de ne pas s'intéresser à son patrimoine puis de ne pas disposer des moyens financiers suffisants pour le sauvegarder. La ville d'Athènes, particulièrement polluée, était considérée comme inadaptée pour la conservation de ce patrimoine très ancien et fragile.
Pourtant, depuis juin 2009, un nouveau musée moderne a ouvert ses portes face à l'Acropole et ce malgré la crise économique qui secouait le pays (évoquée l. 35). Conçu pour accueillir la frise dans sa totalité, il a réussi à obtenir la restitution de fragments venus du Vatican, d'Allemagne et d'Autriche.
à noter
Au musée de l'Acropole, des fragments originaux de la frise sont exposés aux côtés de reconstitutions (de couleur plus claire) des marbres présents au British Museum.
Il s'agit sans doute de réparer « une injustice passée » (l. 38) comme le mentionnent les auteurs du texte et le mot est fort. Si la frise du Parthénon revenait à la Grèce, ceci créerait un précédent juridique et tous les musées occidentaux pourraient voir leurs collections coloniales repartir dans leurs pays d'origine.
Conclusion
[Réponse à la problématique] La question de la propriété patrimoniale est parfaitement illustrée par l'exemple des frises du Parthénon. L'appropriation d'œuvres ou d'objets culturels est en effet au cœur de tensions géopolitiques, notamment entre des États d'Europe et leurs anciennes possessions coloniales. Mais il s'agit ici d'une question encore plus épineuse puisqu'elle divise l'Europe elle-même, alors qu'elle est fragilisée par le Brexit et semble manquer de cohésion. [Ouverture] La Grèce, en demandant la restitution d'un bien qu'elle considère comme le sien, ne fragilise-t-elle pas un peu plus cette cohésion ? Cette requête n'est-elle pas une forme de négation d'une culture européenne commune dont Athènes et Rome ont été les berceaux ?
Le secret de fabrication
Même s'il est plus pertinent de terminer son devoir par une affirmation, ce sujet ouvre de nombreuses réflexions. Si la question est ouverte et suscite un débat, vous pouvez considérer celle-ci comme une ouverture.