France métropolitaine, mai 2022 • Jour 2
Sprint final
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France métropolitaine, mai 2022 • Jour 2 étude critique de documents
Usages et représentations de l’environnement
Intérêt du sujet • Cette étude vous invite à rappeler l’évolution des perceptions que les humains ont de la nature, mais aussi les politiques publiques mises en œuvre pour y répondre (axe 1 sur la forêt française et objet conclusif sur les États-Unis). Plus complexe qu’il n’y paraît, elle nécessite un bon esprit de synthèse.
En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, montrez que la protection de l’environnement par la puissance publique est en relation avec les représentations que les sociétés se font de la « nature ».
Document 1
Forêt de protection : un statut
À ce jour, 163 500 ha sont concernés par ce statut, soit 1 % de la surface forestière métropolitaine. Ce statut a été créé en 1922 pour lutter contre l’érosion des sols en montagne et la défense contre les risques naturels (avalanches, glissements de terrain…) ainsi que contre l’envahissement des eaux et des sables en zone côtière. Il a été élargi en 1976, par la loi sur la protection de la nature, aux forêts dont le maintien s’impose, soit pour des raisons écologiques (cas particulier des forêts alluviales rhénanes), soit pour le bien-être de la population pour les forêts périurbaines.
Procédure de classement
Le classement fait l’objet d’une procédure centralisée au ministère en charge des forêts et il est prononcé par décret en Conseil d’État.
Il […] soumet la forêt à un régime forestier spécial qui entraîne une restriction de la jouissance du droit de propriété : tout défrichement est notamment interdit ainsi que toute implantation d’infrastructure. La poursuite des coupes de bois y est tout à fait possible, tenant compte des enjeux à protéger, dans le cadre de l’application du document de gestion durable de la forêt qui fait office de règlement d’exploitation.
Le régime forestier spécial permet également de contrôler la circulation du public et des véhicules motorisés. Le Code forestier prévoit une possibilité d’indemnisation des propriétaires qui constateraient une diminution de leur revenu due au classement.
Le classement en forêt de protection, outil juridique le plus contraignant du Code forestier pour la protection des forêts, a ainsi pour effet majeur d’interdire tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation ou la protection des boisements (art. L. 412-2 Code forestier).
Ministère de l’Agriculture, 2020.
Document 2
① « National Park Foundation » signifie « Fondation des parcs nationaux ».
« Wonder Calls » signifie « l’appel des merveilles ».
② « Donate to the Parks » signifie « Faire un don aux parcs ».
③ « Connect / Explore Parks » signifie « Se connecter / Explorer les parcs ».
④ « A Land of Giants » signifie « Une terre de géants ».
⑤ « About / Making an Impact / Share your Park / Visiting the Park » signifie « Qui sommes-nous ? / S’engager / Partager votre expérience / Visiter le parc ».
Page d’accueil du site de la Fondation des parcs nationaux (États-Unis), www.nationalparks.org, © National Park Foundation.
Les clés du sujet
Identifier les documents
Comprendre la consigne
La consigne évoque, d’une part, les liens entre les actions de protection de l’environnement par la puissance publique, c’est-à-dire les politiques mises en place et, d’autre part, les représentations que les humains ont de la nature.
Il faut donc trouver ce lien de relation : la perception que nous avons de la nature évolue et influence les politiques destinées à la protéger.
Dégager la problématique et construire le plan
La protection de l’environnement est devenue une préoccupation centrale des sociétés des pays développés, qui ont pris conscience de sa vulnérabilité. La puissance publique répond à cet enjeu majeur. Mais les acteurs publics ne sont pas les seuls à agir.
En quoi la perception évolutive de la nature par les sociétés influence-t-elle les actions pour sa protection par la puissance publique ?

Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] Combinaison d’éléments naturels et socio-économiques, l’environnement est notre cadre de vie, qui nous contraint et que nos actions modifient. [Présentation du sujet] Depuis le xixe siècle, les relations entre les humains et leur environnement ont profondément évolué dans les sociétés des pays développés. Il en est de même des politiques mises en place, à toutes les échelles, pour prendre en compte cette évolution. Les documents proposés sont issus de sites Internet : le premier, du ministère français de l’Agriculture, est un texte qui rappelle, en 2020, le statut des forêts dites « de protection », datant de 1922, et la procédure pour obtenir ce classement. Le deuxième est la page d’accueil de la Fondation des parcs nationaux américains, illustrée par une photographie du parc de Yosemite aux États-Unis. [Problématique] En quoi la perception de la nature par les sociétés influence-t-elle les actions de protection par la puissance publique ? [Annonce du plan] Les perceptions de la nature et les usages qui en découlent dans les sociétés des pays développés ont profondément évolué [I], ils sont à l’origine de réponses publiques diverses mais aussi de l’intervention d’acteurs privés [II].
I. Une perception et des usages de la nature en évolution
Le secret de fabrication
Analysez bien la consigne du sujet et définissez le vocabulaire. Dans un devoir, on ne présente pas les conséquences d’un fait au début du raisonnement. Il faut donc ici inverser les éléments de la consigne.
1. Une nouvelle perception de la nature depuis le xixe siècle
Les représentations que les sociétés ont de leur environnement changent au fil du temps. La nature est d’abord vue comme un milieu hostile que l’humain doit maîtriser par ses aménagements, comme les « défrichements ». Aux États-Unis, aux xviie et xviiie siècles, les colons font l’expérience d’une nature sauvage, la Wilderness, « une terre de géants » (document 2), qui les domine.
Cependant, et dès la fin du xixe siècle, les humains prennent conscience des dangers de l’industrialisation. La nature doit être préservée. Aux États-Unis, la Wilderness est présentée par Henry David Thoreau comme la vraie merveille du pays (« Wonder Calls », document 2). Elle devient un élément de l’identité états-unienne, de ses valeurs (persévérance, courage).
Deux courants américains apparaissent alors : le premier, radical, est défendu par John Muir. Il milite pour une « préservation » de la nature. Cette volonté de sanctuarisation aboutit à la création du premier parc naturel américain, Yosemite, en 1864. Gifford Pinchot, ingénieur forestier, plus modéré, défend la « conservation » de la nature. Il souhaite par exemple une gestion raisonnée et publique des forêts pour permettre leur renouvellement.
mots clés
La préservation de la nature consiste à la mettre à l’écart de toute intervention humaine. La conservation est une exploitation raisonnée de ses ressources.
2. L’évolution des usages de la nature
La nature est donc dans un premier temps un milieu à maîtriser et à exploiter. C’est le cas notamment de la forêt, vue comme une source de « revenu » (sylviculture) : les « coupes de bois » (document 1, l. 17) sont nécessaires pour répondre aux commandes de la marine de guerre au xviie siècle en France, comme aux besoins en matériaux de chauffage ou de construction.
L’usage de la forêt évolue sous l’effet de l’urbanisation au xxe siècle : elle devient elle-même un moyen de protéger la santé des humains, de plus en plus nombreux (puits de carbone, source d’oxygène). Elle assure aussi leur sécurité en limitant les risques naturels (« érosion », « avalanches », « glissements de terrain » évoqués dans le document 1). Enfin, elle permet de préserver les écosystèmes fragiles (ex. : « les forêts alluviales rhénanes », l. 9).
L’environnement devient surtout un lieu récréatif pour les urbains (« forêts périurbaines », comme celle de Fontainebleau) et un attrait touristique. Ainsi la page Internet de la Fondation des parcs nationaux américains invite à la visite et même à l’exploration.
conseil
Il est inutile de décrire la photographie (document 2), seul le message qu’elle veut transmettre importe ici.
[Transition] Face à ces évolutions, les pouvoirs publics cherchent à encadrer les usages de la nature. Ces politiques sont menées à toutes les échelles, par différents acteurs.
II. Les réponses de la puissance publique
1. Des lois pour protéger
Dès le xviie siècle, en France, l’État légifère pour réguler l’exploitation de la forêt, afin de permettre une mise en valeur rationnelle de ses ressources : c’est l’ordonnance des eaux et forêts de Colbert en 1669. En 1922, la loi qui crée le statut de « forêt de protection » (document 1) n’est que l’aboutissement de mesures publiques antérieures : le Code forestier de 1827, les campagnes de reboisement de la Sologne et des Landes (1852-1857).
De plus, cette loi évolue dès 1976 afin de protéger des écosystèmes fragiles dans un contexte de prise de conscience écologique. Ainsi, certaines forêts françaises sont aujourd’hui totalement protégées par un « régime forestier spécial qui entraîne une restriction de la jouissance du droit de propriété » (document 1, l. 14-15) : si on peut y exploiter le bois, tout aménagement y est interdit et l’État y veille.
Aux États-Unis, l’État fédéral légifère pour protéger l’environnement depuis le xixe siècle, accompagnant les changements de mentalités : Yellowstone devient le premier parc national en 1872 par décision du Congrès. Theodore Roosevelt, inspiré par John Muir, fait de la protection de l’environnement une cause nationale. Aujourd’hui, 61 parcs nationaux sont gérés à l’échelle fédérale et accueillent 400 millions de visiteurs par an.
2. L’appel à des acteurs privés
Certaines mesures de protection de la nature semblent insuffisantes : seul 1 % des forêts françaises est totalement protégé par « l’outil juridique le plus contraignant du Code forestier » (document 1, l. 25-26). Mais la forêt française gagne du terrain, car elle est valorisée par des entreprises privées pour le tourisme et dans le contexte de la transition énergétique.
Aux États-Unis, si l’État fédéral décide de classer certains espaces naturels en parcs nationaux ou en réserves, des acteurs privés participent à leur financement et à leur promotion : ainsi la page d’accueil de la Fondation des parcs nationaux appelle aux dons des particuliers ou au mécénat des entreprises. La Fondation est elle-même une association philanthropique, comme il en existe beaucoup aux États-Unis.
Conclusion
[Réponse à la problématique] Ainsi, la puissance publique répond à une conscience écologique de plus en plus aiguë des sociétés et tente d’empêcher une exploitation excessive des ressources naturelles. Elle fait, en fonction des lieux, soit le choix de la conservation, soit celui de la préservation, aidée par des acteurs privés pour mener cette mission. [Ouverture] Aujourd’hui, l’opinion publique semble davantage séduite par la sanctuarisation des espaces naturels. Les récentes agressions dont ont été victimes les agents de l’Office national des forêts en France, alors qu’ils menaient des opérations de déboisement, témoignent de cet attachement à la nature.