J'écoute le cours audio
Pourquoi le monde, qui paraît de plus en plus unifié, est-il aussi fracturé et pluriel ? Quels débats et quelles contestations le processus de mondialisation nourrit-il ?
La mondialisation a-t-elle créé un monde sans frontières ? Ne serait-il pas, au contraire, plus fragmenté que jamais ?
• On assiste depuis ces 15 dernières années à l'accélération du rythme de création de nouveaux États, notamment en Europe. Plus de 26 000 kilomètres de frontières politiques ont été tracés, et de nouveaux États sont apparus. Le dernier en date est le Sud-Soudan en 2011. La plupart des bouleversements de la carte politique du globe sont liés à des divisions ethniques et religieuses, mais aussi au contrôle de ressources stratégiques comme le pétrole.
• Pour lutter contre l'immigration et, de plus en plus, contre le terrorisme, de nombreux États renforcent leurs frontières et y construisent des murs : entre Birmanie et Bangladesh, entre États-Unis et Mexique. L'Europe tend à renforcer ses moyens de contrôles contre l'immigration illégale et le trafic de drogue. Certains pays, comme la Chine avec de gros moyens, tentent de contrôler les échanges virtuels.
• Les États sont-ils obsolètes à l'époque des transnationales géantes ? Nombre de décisions leur échappent en effet dans le domaine économique et financier, où les marchés font la loi. En revanche, les institutions internationales, comme le FMI ou l'OMC, ont une importance croissante. Enfin, des acteurs globaux illicites, cartels de la drogue au Mexique ou nébuleuses terroristes au Mali, se confrontent aux États, arrachant des parties entières de territoire à leur souveraineté.
• Le cadre national reste cependant toujours déterminant. La puissance militaire des États ne peut être contestée. Au sein des organisations internationales et des organes de gouvernance mondiale (G8, G20, forum économique de Davos), les États jouent un rôle primordial, particulièrement les États-Unis. Les États sont des acteurs essentiels dans l'intégration au processus de mondialisation. Régulateurs et protecteurs, plus encore depuis la crise économique et financière, ils subventionnent la recherche-développement et s'efforcent d'accroître l'attractivité de leur territoire.
Quels sont les débats et contestations qui remettent en cause la mondialisation ?
• La gouvernance est un enjeu majeur des débats sur la mondialisation. Comment « bien gouverner » le monde ? La circulation des idées et des opinions s'est largement mondialisée et favorise ces débats. Des mouvements se sont constitués, aussi bien dans les pays du Nord que dans ceux du Sud, pour réclamer une participation citoyenne aux grands débats internationaux. Cette exigence se double de revendications universelles : davantage de démocratie, un respect plus large des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (éducation, santé). L'inégal développement des populations est également vivement critiqué.
• À l'heure du « village mondial », le monde est censé vivre au rythme des bourses mondiales, d'Internet et de la grande distribution mondialisée de produits uniformes. Pourtant, l'uniformisation du monde se heurte à de nombreuses résistances. On assiste à un véritable « retour du territoire », avec des particularismes locaux qui se maintiennent et obligent les firmes globales à s'adapter à chaque marché.
• Le renouveau des cultures régionales est une autre forme de contestation de la culture mondiale, américaine ou occidentale, ressentie comme imposée par l'extérieur. Des mouvements de défense de langues, de savoir-faire, de musiques régionales se constituent. La revendication culturelle se traduit dans le cinéma par la permanence ou l'émergence de Bollywood en Inde, Nollywood au Nigéria, ou l'exception culturelle en France. Paradoxalement, dans une économie de plus en plus globalisée, les territoires locaux et leurs acteurs reviennent donc en force.
• Enfin, les mouvements altermondialistes prônent une autre mondialisation, mais n'ont ni leader ni programme. Ils se réunissent lors de forums sociaux mondiaux. La multiplication des crises et l'accroissement des inégalités à toutes les échelles ont même conduit certains à rêver de décroissance ou d'une « démondialisation », qui organiserait l'économie mondiale selon d'autres règles, comme le protectionnisme.
Quelques idées clés à retenir.
• Si la mondialisation est un fait avéré, ses effets sont donc à nuancer, car sa diffusion est inégale et incomplète. Les États peuvent paraître en recul mais continuent en fait de jouer un rôle déterminant.
• Les détracteurs de la mondialisation sont nombreux, et les débats et les contestations qu'elle suscite sont passionnés. En effet, les préoccupations identitaires et écologiques incitent à repenser le processus de la mondialisation vers une échelle plus locale.