J'écoute le cours audio
Un demi-siècle après les indépendances, l'Afrique est toujours le continent le plus pauvre. Est-elle toujours « mal partie » ? Ou existe-t-il des opportunités de développement ?
Commençons l'analyse par une étude de cas sur le Sahara : un espace riche en ressources, mais très conflictuel.
• C'est le plus grand désert du monde : 8,5 millions de km². L'aridité est la contrainte majeure : moins de 150 mm de précipitations et moins de 50 dans le cœur hyperaride ! L'espace saharien est d'abord un espace de peuplement ponctuel, dans les oasis, mais il compte de plus en plus de villes en forte croissance. Le Sahara est un désert traversé de flux qui en font une interface active, mais c'est aussi un espace en territorialisation. En effet, depuis les indépendances, des frontières nouvelles découpent le désert. Cependant, les États sahariens sont incapables d'exercer un contrôle territorial efficace.
• Les ressources sahariennes sont d'abord liées aux circulations. Le Sahara a toujours été un espace de commerce, de contrebande et de trafic. Les ressources sont également liées aux frontières, d'une grande porosité et permettant d'exploiter tout différentiel de prix sans payer de taxe. Enfin, les ressources sont liées aux matières premières. Le pétrole, d'abord exploité en Afrique du Nord et au Soudan, puis dans les États sahéliens, fait l'objet d'une course effrénée entre les grandes compagnies mondiales. Le Sahara renferme aussi de nombreuses richesses minières. L'espace saharien est donc le théâtre d'économies de rente à diverses échelles, dont le partage est souvent générateur de conflits.
• Le Sahara est en effet un espace de conflictualités, d'abord transsahariennes, par exemple des rebelles touaregs dans le Nord Mali. Mais les conflictualités sont aussi de niveau régional, comme le montre le conflit du Sahara occidental entre Sahraouis, Maroc et Algérie. Enfin, les conflictualités sont globales. Le Sahara est devenu une frontière migratoire pour l'Europe, ainsi qu'un espace conflictuel dans la lutte contre le terrorisme.
Maintenant, l'Afrique dans son ensemble. Comment se développe-t-elle ? Comment s'insère-t-elle dans la mondialisation ?
• D'abord les enjeux démographiques. L'Afrique, c'est plus de 1 milliard d'habitants, soit 15 % de la population mondiale. Et 2,3 milliards sont attendus pour 2050 ! Un essor lié à la transition démographique, même si le sida demeure un facteur d'incertitude. L'Afrique est donc un continent jeune : 41 % de moins de 15 ans. Mais cette croissance démographique est-elle une contrainte ou une opportunité ? Le taux de dépendance des économies africaines est souvent très élevé et les besoins d'investissements en éducation considérables. Mais les marchés intérieurs s'y développent et l'Afrique est le seul réservoir de main d'œuvre mondial. L'Afrique est le continent le plus rural de la planète, mais c'est aussi celui où l'urbanisation progresse le plus vite. La brutalité de la croissance urbaine est telle que les villes africaines sont incapables d'assurer la sécurité ou les infrastructures nécessaires.
• En matière de développement, l'Afrique – surtout subsaharienne – est en retard. Elle abrite 33 des 48 PMA du monde. Tous les indicateurs attestent de ce retard : pauvreté, analphabétisme, mortalité infantile, malnutrition… Le poids de l'Histoire l'explique en partie, notamment les traites négrières ou la colonisation européenne. Les États africains ont aussi connu de nombreuses guerres depuis les indépendances et sont minés par une corruption endémique. Cependant, depuis 2000, la croissance économique reprend et commence à insérer l'Afrique dans la mondialisation.
• Cette intégration se réalise d'abord par les matières premières, dont l'Afrique est riche. Cette richesse a généré des économies de rente, qui bénéficient cependant du renchérissement global du prix des matières premières. Le taux de croissance des PIB africains a ainsi oscillé entre 4 et 6 % par an de 2004 à 2012. Le taux de croissance des exportations africaines oscille entre 11 et 27 % par an, preuve d'une insertion croissante dans la mondialisation.
• Mais de nouvelles formes d'intégration apparaissent. Avec des besoins annuels en infrastructures évalués à 90 milliards de dollars, l'Afrique est devenue une zone d'intérêt pour les investisseurs étrangers : de 2001 à 2009, les IDE ont triplé. L'intégration à la mondialisation se fait aussi par la consommation, avec la montée en puissance des classes moyennes.
• Enfin, l'Afrique représente un enjeu international considérable. Les liens avec l'Europe, ancienne puissance coloniale, restent forts. Mais l'Afrique a aussi acquis un intérêt géopolitique pour les États-Unis, avec la guerre globale contre le terrorisme et la montée en puissance de l'exploitation des gisements pétroliers du golfe de Guinée. La Chine continue d'investir massivement dans l'énergie et les mines, mais aussi dans le secteur manufacturier. La mondialisation est donc au cœur du développement de l'Afrique.
Quelques idées clés à retenir.
• Le Sahara est le plus grand désert du monde, mais un désert de villes, traversé de flux, parfois illicites. Les ressources en matières premières sont l'enjeu de nouvelles conflictualités dont les visées géopolitiques mondiales ne sont pas absentes.
• Le continent africain est en pleine croissance démographique, mais souffre encore d'un retard de développement important. Son intégration progressive dans la mondialisation lui offre cependant des possibilités de développement nouvelles.