Ce roman propose l’une des plus célèbres histoires d’amour de la littérature française. Jugé « scandaleux » dans les années 1730, le récit connaît un véritable succès grâce au personnage éponyme, élevé au rang de mythe littéraire.
IPremiers repères
1 L’auteur et le contexte
Antoine-François Prévost d’Exiles, dit l’abbé Prévost (1697-1763), eut une vie mouvementée. D’abord moine, il fut ordonné prêtre en 1726, mais abandonne dès 1728 l’état ecclésiastique et fuit à l’étranger. Endetté par amour pour une femme, il doit s’exiler à plusieurs reprises avant de revenir en France, en 1743.
Traducteur, historien, journaliste, il fut surtout un romancier prolifique et doit sa célébrité à son Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (tome VII des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde). Le roman fait scandale lors de sa parution en 1731, mais connaît cependant un franc succès. Le personnage féminin est devenu un véritable mythe littéraire.
À noter
C’est exilé en Hollande que Prévost publie, en 1731, Manon Lescaut. L’œuvre est alors interdite en France et saisie, mais circule très vite sans autorisation.
2 L’histoire en résumé
Le chevalier des Grieux, jeune noble de dix-sept ans, destiné à une carrière ecclésiastique, s’éprend au premier regard d’une fille du peuple, Manon Lescaut. Pour elle, il quitte tout. Avide de plaisirs et de luxe, elle l’entraîne dans un milieu trouble.
Tous deux fuient et s’installent à Paris. Mais très vite, le couple manque d’argent. Accumulant les revers de fortune, ils enchaînent les vols pour alimenter leur train de vie et sont emprisonnés à plusieurs reprises. Leur amour est réprouvé par la société qui, rigide, ne tolère pas leurs transgressions.
Déportée en Louisiane, où Des Grieux la suit, Manon meurt d’épuisement. Éprouvé, Des Grieux finit par rentrer en France.
IIDes clés pour l’analyse
1 Le regard subjectif et rétrospectif de Des Grieux
Des Grieux raconte ses aventures au marquis de Renoncour, le narrateur, qui, lui-même, retranscrit le récit du chevalier à la première personne. Le lecteur s’en remet donc à la seule perception et interprétation des faits par Des Grieux.
Près d’un an après la mort de Manon, Des Grieux analyse rétrospectivement ses propres sentiments et motivations. Le « je » examine ses tourments. Conscient de sa déchéance progressive, il décrit les ravages de la passion et les mécanismes qui l’ont fait basculer. Déchiré entre son aveuglement passionnel et une lucidité favorisée par le recul, il livre un témoignage très partial.
Le désir de rendre hommage à Manon le dispute au souci de plaider sa propre cause : « Je suis sûr qu’en me condamnant, vous ne pourrez pas vous empêcher de me plaindre. » Des Grieux se présente comme une victime de la « fatalité ».
2 Manon vue par Des Grieux : une héroïne ambiguë et fascinante
Des Grieux décrit Manon comme une « charmante et perfide créature », aimant l’abondance et les plaisirs, « fidèle » et « attachée » « dans la bonne fortune », mais sur laquelle « il ne fallait pas compter dans la misère ».
Tout en la rendant responsable de sa perte, le chevalier la défend, justifie son amoralité et prône son inconscience : « elle pèche sans malice ».
Manon est une véritable « énigme », le lecteur ne sait rien de ses propres motivations et peine à la saisir. Malgré ses infidélités, elle semble se repentir sincèrement au moment de sa mort, purifiée par son amour pour Des Grieux.