Ces Mémoires livrent la correspondance intime et passionnée de deux jeunes femmes, évoquant leur difficile expérience conjugale.
IPremiers repères
1 L’auteur et le contexte
Doté d’une énergie débordante, Honoré de Balzac (1799-1850) a écrit plus de quatre-vingt-dix romans. Pilier du mouvement réaliste, il développe une conception originale du roman. Dans La Comédie humaine, vaste fresque qui englobe toute son œuvre, il entend « faire l’inventaire de la société française » en trois grandes parties : Études de mœurs, Études philosophiques et Études analytiques.
D’abord parus en feuilleton dans la presse entre 1841 et 1842, ces Mémoires s’insèrent dans ses Études de mœurs. Renouant avec la tradition du roman épistolaire très en vogue au xviiie siècle, l’auteur y propose une correspondance fictive.
MOT CLÉ
Les mémoires sont écrits postérieurement aux événements racontés, publics ou privés, dont l’auteur a été témoin.
2 L’histoire en résumé
Partie I (lettres i à xlvii). À peine sorties du couvent où, coupées du monde, elles rêvaient d’amour, les deux jeunes aristocrates Louise de Chaulieu et Renée de Maucombe entament une correspondance intime. Renée est mariée la première par sa famille au baron Louis de l’Estorade, « vieux jeune homme » qu’elle s’évertue à rendre heureux. Elle mène une vie de « résignation et [de] dévouement » mais connaît les joies de la maternité. Au « grave Devoir », Louise préfère le « fol Amour ». Ardente et absolue, elle épouse par amour Macumer, un noble espagnol, qui meurt en deux ans, étouffé par cette passion invivable.
Partie II (lettres xlviii à lvii). Cinq ans plus tard, Louise s’éprend d’un poète pauvre, Marie Gaston, qu’elle épouse en secret. Mais elle meurt consumée par sa jalousie maladive, tandis que Renée travaille à la réussite de sa famille.
IIDes clés pour l’analyse
1 Une œuvre polyphonique
De 1823 à 1835, Louise et Renée échangent plus de cinquante-sept lettres, sur un rythme de plus en plus lent. Cette correspondance donne à voir l’évolution respective des deux femmes qui, jeunes, partageaient les mêmes rêves.
Chacune livre dans ses lettres sa propre expérience du monde et expose sa vision de la vie et des moyens d’accéder au bonheur.
2 Un témoignage sur la société de l’époque
Romancier des mœurs, Balzac décrit avec réalisme le mariage des filles dans les milieux aristocratiques du xixe siècle. Le mariage est, alors, un contrat arrangé. Loin d’être basé sur le sentiment amoureux, il repose sur des considérations économiques et sociales.
Souvent délaissées au profit des fils qui héritent d’une grande partie de la fortune familiale, les filles, désargentées, peinent à trouver un mari et peuvent alors finir au couvent ou vieilles filles.
De peur de devoir entrer au couvent, Renée, dépouillée de son héritage au profit de ses frères, épouse un noble de Provence que sa famille lui destine. Louise, en cédant sa fortune à l’un de ses frères, obtient de son père de pouvoir choisir son mari et épouse par amour un baron espagnol exilé.
3 Une vision critique de la place de la femme dans cette société
Le roman témoigne de la difficulté de la femme à accéder au bonheur par le mariage. Les deux héroïnes, mariées sans dot, tentent de contourner les codes sociaux établis à leur désavantage. Renée accède à un bonheur familial au prix d’un sacrifice calculé ; Louise connaît l’amour, mais en meurt prématurément.
Citation
« Pourquoi la Société prend-elle pour loi suprême de sacrifier la Femme à la Famille en créant ainsi nécessairement une lutte sourde au sein du mariage ? » se plaint Renée (lettre XX).