« Il faut s'aimer, et puis il faut se le dire, et puis il faut se l'écrire », déclare Victor Hugo. Le discours amoureux vise à plaire, séduire et émouvoir : c'est la parole qui cherche par excellence à « amener à part, à l'écart » (se-ducere).
I L'expression de la passion amoureuse
1 L'amour dans toutes ses nuances
L'amour se décline sous toutes ses nuances, de la passion naissante à l'amour épanoui, jusqu'aux tourments du cœur épris.
Dans l'Antiquité, la poétesse Sappho exprime avec force ses sentiments amoureux, entre souffrance et exaltation. L'expression de la peine due à l'amour donne naissance à la tradition élégiaque ; dans la mythologie, les chants d'Orphée déplorant la perte d'Eurydice émeuvent jusqu'aux rochers.
Mot clé
L'élégie, héritée de la poésie gréco-latine, est un poème lyrique plaintif, souvent mélancolique, qui exprime les malheurs du cœur humain.
En poésie, les sonnets se prêtent bien à la séduction amoureuse. Ronsard, dans ses Amours (1552) puis ses Sonnets pour Hélène (1578), s'inscrit dans la continuité de l'Italien Pétrarque, en invitant ses muses à profiter de leur beauté présente et à céder aux charmes de l'amour.
2 Une mise en mots recherchée
Pour attiser le désir, la mise en mots est essentielle. Le registre lyrique privilégie l'expression des sentiments et recherche la beauté à travers les images ou la musicalité poétique.
La parole lyrique charme par le plaisir et l'émotion qu'elle suscite. Ovide prodigue des conseils de séduction dans son Art d'aimer (Ier s.) : le billet doux joue un rôle essentiel car « la beauté se laisse vaincre par l'éloquence ».
Ronsard trace les contours délicats du sentiment amoureux, véritable défi pour le langage poétique : « Le cœur le dit assez, mais la langue est muette. » Pour l'exprimer, les poètes et poétesses de la Renaissance et de l'âge classique cultivent une langue aux effets recherchés, mobilisant hyperboles et analogies (le feu, la blessure, le poison, la maladie).
II Un discours très codifié
1 Une empreinte culturelle
La séduction est étroitement liée aux conceptions morales de l'époque : le discours amoureux est à replacer dans son contexte culturel et social.
Au Moyen Âge, la fin'amor laisse transparaître la noblesse des sentiments au sein du discours. L'amour est intimement lié au chant, comme le rappelle le troubadour Bernard de Ventadour : « Ce n'est pas merveille si je chante mieux que tout autre chanteur ; c'est que, plus que tous les autres, je me soumets à Amour et lui obéis. »
Mot clé
La fin'amor, liée à l'idéal chevaleresque, enjoint l'amant épris d'une dame inaccessible à faire preuve de dévouement et de courage.
L'humanisme de la Renaissance enjoint à se réapproprier les sources antiques : les poètes de la Pléiade s'inspirent de leurs prédécesseurs, tandis que Louise Labé s'inscrit dans l'héritage de la poétesse Sappho.
Au XVIIe siècle, les femmes de la haute société tiennent des salons précieux où éclosent le raffinement amoureux et le badinage galant. Les jeux de séduction font partie intégrante de la civilisation de cour.
2 L'authenticité du discours
Le discours amoureux n'est pas toujours authentique : le « je » du poète n'est pas forcément le « je » intime. Dans la Guirlande de Julie (XVIIe s.), de nombreux poètes rivalisent d'ingéniosité dans un jeu mondain pour chanter les louanges de la belle Julie d'Angennes.
Quand il manque de naturel ou d'authenticité, le discours amoureux se fait parfois insidieux dans la bouche de personnages sans scrupules : le Dom Juan de Molière (1665), libertin invétéré, laisse libre cours à sa parole séductrice, dont le public mesure toute l'imposture.
L'essentiel
