La Renaissance est un âge de grandes découvertes : les écrivains s'emparent des interrogations engendrées par les nouveaux horizons ouverts par les explorateurs.
I De nouveaux horizons littéraires
1 L'attrait pour le voyage
Dès l'Antiquité, le voyage au long cours constitue un motif important en littérature : en témoignent le périple des Argonautes à la conquête de la Toison d'or, ou bien celui d'Ulysse dans l'Odyssée.
Cet attrait pour les grands voyages se renouvelle durant la Renaissance. Le « Nouveau Monde » sidère les écrivains comme Montaigne : « Notre monde vient d'en trouver un autre – et qui nous répond si c'est le dernier de ses frères ? »
À noter
Christophe Colomb, navigateur italien financé par la couronne espagnole, découvre les Antilles par hasard en 1492, en cherchant une route occidentale vers les Indes.
Les trajets eux-mêmes fascinent : leurs péripéties captivantes rappellent les récits d'aventure. Dans son Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, Jean de Léry raconte ainsi l'épreuve terrible d'une tempête en plein océan.
2 Une diversification des formes littéraires
Les caractères mobiles d'imprimerie, inventés par Gutenberg au XVe siècle, facilitent la diffusion des récits de voyage : journaux de bord (Colomb, Magellan) et récits (Thevet, Léry) se multiplient.
La fiction reflète aussi cette curiosité pour l'ailleurs : le Quart Livre de Rabelais (1552) met en scène la navigation pittoresque et fantaisiste de Pantagruel d'île en île, à la recherche de l'oracle de la Dive Bouteille.
L'ouverture des horizons entre en écho avec les préoccupations humanistes : il s'agit de réfléchir à ce qui constitue la nature humaine. Montaigne inaugure avec ses Essais une veine réflexive et méditative féconde à propos de la civilisation et de la barbarie .
Au XVIIIe siècle, la découverte des cultures du Nouveau Monde nourrit toujours la réflexion des Lumières, dans la fiction (les contes philosophiques de Voltaire, le Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot) comme en dehors (divers articles de l'Encyclopédie).
II Une nouvelle réalité à décrire
1 Les points de vue variés des explorateurs
Christophe Colomb adopte un point de vue d'ordre économique. Il promet aux rois d'Espagne une colonisation qui rapportera des « profits très substantiels », quitte à exploiter les populations autochtones.
D'autres explorateurs mettent l'accent sur ce qui fascine et heurte : dans ses Singularités de la France antarctique, André Thevet décrit des faits propres à choquer le lectorat européen, comme la nudité ou le cannibalisme.
À l'inverse, Jean de Léry séjourne plusieurs mois parmi les Tupinambas au Brésil et découvre leurs mœurs. Dénué de préjugés, il décrit la beauté de ce territoire et de ce peuple.
À noter
Par ses efforts de compréhension bienveillante, Jean de Léry peut être considéré comme l'un des précurseurs de l'ethnologie moderne.
2 Un souci d'authenticité
Explorateurs et écrivains cherchent à rendre compte avec exactitude des terres et des peuples nouveaux.
Montaigne, intrigué par les peuples des Amériques, souligne l'importance d'une connaissance directe de leurs modes de vie. Dans le chapitre « Des cannibales » de ses Essais, il raconte sa propre rencontre avec des Amérindiens à Rouen.
Soucieux de partager ces découvertes en s'appuyant sur une diffusion à grande échelle, Théodore de Bry multiplie les gravures. Cette entreprise de vulgarisation des connaissances sera poursuivie par le projet de l'Encyclopédie mené par Diderot au XVIIIe siècle – l'article « Amérique » y liste les infinies ressources de ce continent.