A Un travail de plus en plus oppressant pour le salarié
Le travail peut être source d'épanouissement personnel. Mais l'intensification de la concurrence interentreprises, la recherche constante d'amélioration de la productivité ou la perte de sens du travail génèrent une souffrance pour le salarié dont les managers doivent tenir compte.
Les enquêtes statistiques montrent que la pénibilité physique du travail reste une réalité malgré l'évolution des technologies : la très grande majorité des maladies professionnelles reconnues sont logiquement des troubles musculo-squelettiques (TMS).
À savoir
D'après les statistiques du ministère du Travail, 34 % des salariés sont exposés à des postures pénibles ou fatigantes dans le cadre de leur travail et 40 % doivent porter ou déplacer des charges lourdes. La proportion de travailleurs déclarant subir des rythmes contraints (cadence imposée, objectifs de productivité oppressants, contrôle permanent d'un supérieur hiérarchique, etc.) est passée, en dix ans, de 31,6 % à 35,2 %.
De nombreux salariés développent d'autre part des pathologies liées à la pression psychologique qu'ils subissent ou à un excès de stress (dépressions…) d'où l'apparition du concept de « risques psychosociaux » (RPS).
À savoir
Le psychologue Christophe Dejours montre que le travail participe à la structuration psychologique de la personne. La souffrance au travail ne vient pas des difficultés rencontrées mais de l'impossibilité de les résoudre. Il écrit : « Il existe une souffrance pathogène qui survient si, alors que j'ai mobilisé toutes les ressources à ma disposition, je suis toujours en échec. Soit parce que je suis à la limite de mes talents, soit parce que l'on m'empêche de travailler comme je le devrais. »
Pour l'organisation, ces risques sont générateurs de coûts : outre les arrêts de travail répétés, les conséquences d'une mauvaise ambiance affectent l'efficacité collective du travail (baisse de la productivité, non-respect des horaires ou des exigences de qualité…), la dégradation du climat social, les coûts de turn over et d'intégration de nouveaux salariés ou les risques juridiques… Il convient également de gérer le déficit d'image qui peut avoir des conséquences directes sur les résultats.
B Les nouvelles aspirations des salariés
Le management des organisations doit tenir compte des attentes et aspirations de leurs membres. Ces aspirations dépendent de différents facteurs : type d'organisation considérée, implantation géographique, niveau d'études et catégorie socioprofessionnelle des salariés…
Le facteur le plus clivant concerne l'âge des salariés : les plus anciens (baby-boomers et génération X) sont souvent les plus engagés dans leur poste : ils se sentent concernés par l'organisation ou le client pour lesquels ils travaillent. Ils sont fidèles à leur entreprise et sont habitués à être jugés sur les résultats. Par ailleurs, le stress de la hiérarchie est bien moins important que celui de l'utilisation des nouvelles technologies.
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Les générations de salariés
Les générations qui composent la société actuelle peuvent être regroupées en 4 catégories, selon leurs dates de naissance :
les baby-boomers : individus nés entre 1946 et 1964 ;
la génération X : entre 1965 et 1979 ;
la génération Y : entre 1980 et 2000 ;
la génération Z : à partir de l'an 2000.
Ces générations X Y Z sont différentes mais également complémentaires. Il est essentiel que le management s'appuie sur les caractéristiques de chacun, en prenant en compte leur style de vie et leur productivité, sans quoi une baisse de leur engagement est à prévoir.
À l'inverse, les nouvelles générations (Y et Z) recherchent avant tout la nouveauté, en changeant fréquemment de poste, d'employeur ou de région. La notion de groupe est essentielle, avec une envie de collaborer au sein d'une équipe. Le travail devient alors un outil de socialisation et de rencontres. Mais le développement personnel occupe également une place très importante chez les jeunes (opportunité de formation, travail à l'étranger…).
Il existe toutefois des tendances fortes communes à la plupart des salariés (recherche d'un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle, recherche de sens dans le travail, etc.).
C La recherche de nouveaux modes d'organisation du travail
Pour répondre aux attentes des salariés et aux nouveaux modes de vie tout en tenant compte des impératifs économiques, les organisations expérimentent de nouvelles formes d'organisation du travail. Plusieurs tendances semblent se dessiner, qui transforment peu à peu le rapport de l'individu au travail.
Le rapport à la hiérarchie évolue : les nouveaux organigrammes et espaces de travail s'efforcent de réduire les échelons hiérarchiques et de rapprocher les salariés des dirigeants.
Le travail en équipes autonomes est favorisé et permet aux organisations de libérer la créativité des salariés tout en donnant du sens à leur travail, ce qui accroît leur implication. Le recours systématique aux outils numériques a rendu possible le développement du télétravail et a amélioré la communication au sein des organisations.
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Une étude de l’Institut Montaigne (février 2023) met en exergue un développement massif du télétravail. Une évolution significative surtout illustrée par le télétravail régulier (au moins une fois par semaine) désormais pratiqué par 33 % des travailleurs contre 3 % en 2017. En plus d’une généralisation, l’étude pointe une intensification du télétravail : « On observe une plus grande intensité, avec une moyenne de 2,7 jours par semaine pour ceux qui pratiquent un télétravail régulier contre environ 2,2 jours en 2017. » L’auteur identifie également un « optimum qui serait compris entre 2 et 3 jours, ce qui correspond d’ailleurs à l’intensité moyenne du télétravail régulier observé ». Un rythme favorable au bien-être des actifs. Néanmoins, un télétravail prolongé augmenterait l’absentéisme et comporte des risques pour la santé mentale et physique des travailleurs.
L’étude fait aussi apparaître une importante inégalité face au télétravail en fonction des secteurs d’activité, 60 % des travailleurs n’ayant pas accès au télétravail.
« Une étude déconstruit les “idées reçues” sur le rapport des Français au travail », Public Sénat, 2 février 2023
L'anticipation et la prise en compte des risques psychosociaux permettent de mieux gérer les situations de souffrance au travail.
L'évolution de la société conduit à inventer de nouvelles formes de travail qui s'éloignent du salariat : chaque année, le nombre d'autoentrepreneurs augmente et l'« ubérisation » du travail préfigure de nouveaux modèles d'organisation dans lesquels le travailleur gagne une certaine indépendance mais abandonne la protection liée au contrat de travail.
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