Dans Sido et dans Les Vrilles de la vigne, Colette chante le monde qui l’entoure et l’honore pour sa beauté.
ILe monde célébré par Colette
1 Le jardin de l’enfance
Le jardin de la maison familiale est au centre des souvenirs évoqués dans Sido. Colette vante l’« aimable vie policée » de ce lieu de paix et de sérénité aux mille et une merveilles. Sido est la figure centrale de ce jardin édénique. Elle y fait croître des fleurs par dizaines, qu’elle protège de tous les dangers.
Ce jardin est un lieu symbolique d’initiation et de transmission entre Sido et sa fille. L’observation du merle qui mange les cerises, sans peur de l’épouvantail, est l’occasion d’une contemplation de la nature sauvage.
2 Les merveilles de l’âge adulte
Les paysages de la baie de Somme (« En marge d’une plage blanche ») et de la Côte d’Azur (« Printemps de la Riviera ») sont aussi célébrés pour leur beauté et le plaisir auquel ils sont associés (l’amour avec Missy, l’insouciance des festivités).
C’est aussi dans le monde des music-halls que la liberté de Colette s’épanouit : « Je veux faire ce que je veux. Je veux jouer la pantomime, même la comédie. Je veux danser nue […]. »
IILe thème central de la nature
1 La nature, une source inépuisable de sensations
Chaque être vivant, plante ou animal, suscite l’admiration. Les injonctions de Sido – « Regarde ! » et « Écoute ! » – invitent à se tenir à l’affût du bruit et des formes, et à faire sienne cette « solitaire ivresse du chercheur de trésor ».
Les souvenirs visuels, tactiles et auditifs se mélangent dans un concert de sensations rappelant la synesthésie des « correspondances » baudelairiennes : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent » (Les Fleurs du mal, 1857). Les cris des animaux entrent en écho avec leurs couleurs sublimes.
Pour aller + loin
Dans La Première Gorgée de bière (1997), Philippe Delerm célèbre, par des évocations visuelles, auditives et gustatives, les « plaisirs minuscules » de l’existence comme celui d’« aller aux mûres ».
2 La nature, un monde harmonieux et grandiose
Cette célébration des sensations exprime un vibrant bonheur d’être au monde : la petite Gabrielle de Sido vit l’aube comme une « récompense » accordée par sa mère : « c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible […]. »
Ce monde prend une dimension panthéiste : Sido, à l’image d’une prêtresse antique, déchiffre les signes secrets de la nature en convoquant « les rumeurs, les souffles et les présages […] ».
IIIL’écriture de la célébration
1 La précision lexicale
La faune et la flore sont décrites précisément : ainsi en est-il du vol de l’oiseau, de la libellule, ou encore de la chauve-souris qui « nage en zigzag dans l’air ». La baie de Somme fait l’objet d’un reportage quasi journalistique (« En marge d’une plage blanche »).
Pour aller + loin
Dans Les Rêveries du promeneur solitaire (1782), Jean-Jacques Rousseau parcourt la nature en vue de recueillir des plantes, comme « le Picris hieracioides de la famille des composées ».
2 Des procédés poétiques
La prose poétique de Colette célèbre le pays quitté par de saisissantes images : « Et si tu passais, en juin, entre les prairies fauchées, à l’heure où la lune ruisselle sur les meules rondes qui sont les dunes de mon pays […]. » (« Jour gris »)
La syntaxe privilégie l’amplitude de longues phrases envoûtantes, aptes à recréer le souvenir, qui font écho à celles de Marcel Proust (À la recherche du temps perdu, 1913-1927).
L’écriture fait la part belle à la musicalité, comme en témoigne l’allitération des « trilles tremblés et cristallins » du rossignol.