A L'utilisation des registres
Remarque
Bien que la plupart des registres puissent être utilisés dans l'écriture d'une pièce et son interprétation, ici seuls les registres comique pour la comédie et tragique pour la tragédie seront évoqués.
On appelle registre l'ensemble des outils dont dispose l'auteur pour exprimer les émotions et les sentiments des personnages confrontés à une situation, selon qu'elle soit comique, tragique, dramatique… Le théâtre utilise ces outils car ils sont à la fois fondés sur les situations, les quiproquos, les mots, les attitudes…
Le choix d'un registre est avant tout un moyen pour l'auteur de persuader et de convaincre le spectateur soit du réalisme d'une situation, soit des ressentis des personnages selon l'option choisie (faire rire, pleurer…). L'exploration des registres concerne toutes les formes d'écriture : le roman, la nouvelle, la poésie…
Ne pas confondre
Le niveau de langue : on parle de registre soutenu (le niveau de langage est élevé), de registre courant (le vocabulaire que chacun utilise lorsqu'il s'exprime dans la vie quotidienne) et de registre familier (un vocabulaire qui peut parfois être utilisé dans la vie quotidienne pour signifier une indignation, une colère…). Ce type de vocabulaire évolue en fonction de l'époque : aujourd'hui, on ne parle plus de « pendard » (personne qui devrait être pendue pour son forfait) pour marquer sa colère ou son indignation.
Les mouvements littéraires marquent une époque dans la façon d'écrire : ainsi sont convoqués tour à tour au XIXe siècle le mouvement romantique, le mouvement réaliste… qui tous témoignent d'un regard singulier sur la société et sur l'individu et qui se retrouvent dans la façon de s'exprimer.
B Le registre comique
Le registre comique se décline en quatre points :
le comique de situation : il s'agit de faire rire à travers une situation inattendue, comme un quiproquo, qui renvoie souvent à un dialogue où chacun évoque son problème ou son point de vue sans jamais se rendre compte qu'il y a une erreur sur l'interlocuteur, ou une mauvaise évaluation de la situation ;
le comique de caractère : on met en valeur des défauts d'un personnage (l'avarice, la préciosité, l'égoïsme…) ;
le comique de mots : il s'agit ici de jouer avec les mots, par l'utilisation des hyperboles (exagération : il est génial), des euphémismes (minorer volontairement son expression : un malentendant pour un sourd)… ;
le comique de gestes : il s'agit de mettre en évidence la dimension comique d'une situation en exagérant les comportements, par exemple les coups de bâton (Molière, Les Fourberies de Scapin).
Il existe des déclinaisons du registre comique qui se traduisent par :
la parodie : où l'on imite dans la dérision le style d'un auteur ;
la satire : qui tourne en dérision certains points de vue ;
l'ironie : qui cherche, souvent en adoptant le point de vue de l'interlocuteur en reprenant le comique de mots ou de situation, à dénoncer la position prise par la partie adverse.
Les objectifs du comique sont de :
faire prendre conscience de l'absurdité ou de la bêtise d'une situation ;
critiquer le comportement de certains ou plus largement de la société ;
redonner une vision plus objective ou plus claire d'un problème, ou d'une question de société.
C Le registre tragique
Le registre tragique a pour but de montrer l'enchaînement des évènements conduisant à un destin marqué définitivement par la mort. Quoi que fasse le héros, quelles que soient les stratégies mises en œuvre par le personnage, il ne pourra échapper à sa destinée décidée la plupart du temps par des éléments extérieurs (volonté des dieux comme dans Phèdre de Racine, ou par choix contre une décision qui apparaît comme contraire à la justice comme dans Antigone de Sophocle ou d'Anouilh). L'atmosphère y est toujours angoissante.
Mot-clÉ
Fatalité : destin, force qui détermine les événements et contre laquelle on ne peut rien.
Le vocabulaire retenu est celui de la souffrance, de la mort qui s'approche et de la fatalité.
Tout comme dans le registre comique, la tragédie, au-delà de son registre de référence, le tragique, connaît des déclinaisons à travers le registre pathétique qui exprime la souffrance et la douleur (pathos en grec signifie souffrance, maladie). C'est donc souvent celles-ci qui sont associées au registre tragique, car le héros souffre de sa situation et de son incapacité à s'en libérer. Cependant, le registre pathétique peut être utilisé indépendamment du registre tragique. L'association des deux registres les rend complémentaires et indissociables dans la tragédie.
Les registres tragique et pathétique utilisent des moyens complémentaires pour exprimer l'ensemble des sentiments éprouvés par les personnages : le registre lyrique permet de souligner la dimension tragique et pathétique qui lui est associée ; l'utilisation du « je » permet de mettre en lumière l'ampleur de la douleur et de la peur ressentie. Il en est de même pour la ponctuation (abondance des points d'interrogation qui marquent le doute ou les points d'exclamation qui montrent la souffrance et la révolte du personnage), ou des interjections telles que « quoi ? » ou « hélas ».
Dans la tragédie peuvent apparaître d'autres registres comme le registre épique (voir la mort d'Hyppolyte dans Phèdre qui fait appel à ce registre pour mettre en valeur le courage du jeune homme).