Alors que sa propre vie sentimentale est un échec, Musset nous invite à réfléchir aux mécanismes complexes et cruels du sentiment amoureux, tout en renouvelant le genre de la comédie.
IPremiers repères
1 L’auteur et le contexte
Alfred de Musset (1810-1857), issu d’une famille noble et cultivée, fréquente les cercles romantiques. Après l’échec de sa Nuit vénitienne (1830), Musset rassemble dans son Spectacle dans un fauteuil des pièces écrites entre 1832 et 1834, destinées à être lues « dans un fauteuil » plutôt que vues sur scène, parmi lesquelles On ne badine pas avec l’amour (1834).
À NOTER
Badiner signifie agir d’une façon plaisante, légère, avec fantaisie et gaieté, sans y attacher d’importance.
La pièce est écrite par Musset alors que sa liaison passionnée et tumultueuse avec George Sand le plonge dans le désespoir. Teintée de mélancolie et d’amertume, l’œuvre poétique et théâtrale de Musset fait écho à ses difficultés affectives personnelles.
Dans sa Confession d’un enfant du siècle (1836), l’auteur mêle considérations autobiographiques et analyse quasi-sociologique du « mal du siècle », un désenchantement existentiel propre à sa génération. Élu à l’Académie française en 1852, il meurt cependant dans une certaine indifférence en 1857.
2 L’intrigue en résumé
Dans un château de fantaisie, le Baron réunit – après dix ans de séparation – pour les marier, son fils Perdican, qui a terminé ses études à l’université, et sa nièce Camille, à peine sortie du couvent.
Perdican se heurte très vite à la froideur de sa cousine qui, tentée par une vie vouée à Dieu, s’enquiert de sa vision de l’amour, mais se voit confortée dans sa peur de l’inconstance humaine. Surprenant une lettre de Camille, envoyée à une de ses amies religieuses, dans laquelle elle le dépeint comme un amoureux éploré, Perdican se venge en courtisant la sœur de lait de Camille, Rosette, au vu et au su de Camille.
Comprenant son stratagème et l’amour que Perdican lui porte, celle-ci encourage d’abord son cousin à séduire Rosette, avant de faire volte-face. Les jeunes gens s’avouent finalement leur amour irrépressible, alors que Rosette assiste cachée à la scène. Cette dernière perd la vie en comprenant qu’elle n’a été qu’une pièce dans leur jeu cruel. Les cousins se quittent définitivement.
IIDes clés pour l’analyse
1 Une pièce-proverbe
En sous-titrant sa pièce « proverbe », Musset la rattache à un type de comédie courte alors en vogue dans les salons mondains.
À NOTER
À l’origine, le proverbe est un divertissement de société qui consiste à improviser une courte comédie à partir d’un canevas illustrant un proverbe que le public doit retrouver.
Cependant, l’auteur s’éloigne du simple et bref divertissement en étoffant et en complexifiant l’intrigue et la psychologie des personnages. La pièce se rapproche du drame romantique, et son dénouement tragique confirme l’avertissement annoncé par le titre : il ne faut pas prendre l’amour à la légère !
2 Une inspiration romantique
Difficilement classable, la pièce présente des caractéristiques qui la situent dans la mouvance romantique.
Musset ne respecte ni l’unité de temps (les trois actes de la pièce correspondent à trois journées) ni l’unité de lieu (multiplication des espaces intérieurs et extérieurs).
À NOTER
Dans la préface de Cromwell (1830), Victor Hugo théorise le drame romantique, qui se libère des unités de temps, de lieu et de ton, chères aux classiques. L’auteur le définit comme une « harmonie des contraires », mêlant le « sublime » et le « terrible » de la tragédie ainsi que le « grotesque » et le « bouffon » de la comédie.
L’intrigue mêle les registres : passages comiques et tirades lyriques se côtoient. Peu à peu, l’atmosphère s’assombrit, jusqu’à la catastrophe finale, digne d’une tragédie.
Si les personnages secondaires sont des fantoches, caricatures risibles des travers de l’humanité, les jeunes personnages principaux, pétris de contradictions, en lutte avec eux-mêmes, présentent une sensibilité toute romantique.