Cicéron (106-43 av. J.-C.) et Quintilien (35-96) ont codifié l'art oratoire à la suite d'Aristote (384-322 av. J.-C.). Pour persuader un auditoire, il faut à la fois instruire, plaire et émouvoir.
I Savoir argumenter
1 L'invention
L'invention consiste à trouver les arguments, en rassemblant d'abord ses connaissances sur le sujet. L'orateur pourra invoquer les faits, les témoignages, et tous les arguments qualifiés par Aristote de « preuves extrinsèques », au sens où ils ne relèvent pas proprement du discours. À l'inverse, les « preuves intrinsèques » sont des ressources propres au discours, tels les « lieux ».
Mot clé
Les « lieux » (terme qui traduit le grec topoi) désignent depuis Aristote des arguments types utilisables à propos de n'importe quel sujet : proverbes, citations…
Le sujet choisi impose cependant certaines contraintes. Dans un discours politique, il faut être concret et privilégier les exemples. Le contexte judiciaire, plus technique, requiert des raisonnements rigoureux qu'Aristote nomme enthymèmes. Un contexte cérémoniel impose l'amplification pour donner de la grandeur à ceux dont on fait la louange .
2 La disposition
Une fois les arguments trouvés, l'orateur doit les présenter dans le bon ordre, en tenant compte non seulement des contraintes logiques, mais aussi de l'attention fluctuante de l'auditoire.
La tradition distingue quatre moments dans le discours.
1. L'exorde introduit le sujet en captant l'attention de l'auditoire et si possible sa bienveillance.
2. La narration expose les faits : simple et précise, elle instruit l'auditoire.
3. La démonstration est le cœur de l'argumentation : il faut plaire, recourir à l'humour ou aux anecdotes, polémiquer, etc.
4. La péroraison conclut : c'est le moment d'émouvoir par un ton emphatique.
II Avoir du style
1 L'élocution
L'art oratoire nécessite une bonne connaissance de la nature humaine. On ne s'y emploie pas seulement à convaincre un interlocuteur choisi, comme en philosophie, mais on doit le persuader en tenant compte de sa « médiocrité », comme le rappelle Aristote : on s'adresse à des citoyens ordinaires, et non à des savants.
Mot clé
Si la conviction s'obtient par des arguments exclusivement rationnels, la persuasion s'effectue principalement en jouant sur les sentiments des auditeurs.
Cicéron qualifie d'élocution la capacité à adopter un style noble, simple ou tempéré en fonction du sujet, des circonstances, et des moments du discours (simple dans la narration, élevé dans la péroraison).
L'orateur doit s'adapter à son auditoire mais aussi le surprendre. Selon Cicéron, il doit donc maîtriser tous les styles, même s'il excelle dans l'un ou l'autre : alterner, être tantôt prudent, tantôt audacieux, ce qui ne peut pas totalement se codifier mais requiert aussi du tact et du bon sens.
2 La mémorisation et l'action
Pour rester attentif aux réactions de son auditoire, l'orateur doit mémoriser son discours, du moins les grands axes et quelques phrases bien senties, qu'il pourra enrichir avec des moments d'improvisation.
L'action concerne la prononciation du discours. Un bon orateur ne lit pas son discours mais le joue à la manière d'un comédien, en travaillant le ton, le rythme, la posture… L'action a de ce fait une dimension corporelle : gestes et expressions doivent appuyer le propos.