L'art oratoire de l'âge classique est régulièrement présenté comme l'apogée de l'expression française. Cette maîtrise de l'éloquence puise son inspiration dans l'héritage de la rhétorique antique.
I La rhétorique antique, un modèle indépassable
1 L'héritage des Anciens
Au XVIIe siècle, la doctrine classique se fonde sur la redécouverte de la Poétique d'Aristote (IVe s. av. J.-C.) et de l'Art poétique d'Horace (Ier s. av. J.-C.). L'un des principes en est l'imitation des Anciens, dont le prestige littéraire avait déjà subjugué les humanistes de la Renaissance.
À noter
À la fin du XVIIe siècle, cette imitation est remise en cause par des auteurs qui souhaitent s'en émanciper, comme Charles Perrault : c'est la querelle des Anciens et des Modernes.
Sur le modèle horatien, le poète Boileau publie son propre Art poétique en 1674 : grâce à sa maîtrise de la rhétorique antique, il y défend une parole poétique rigoureuse, dont la perfection formelle serait une condition nécessaire à l'expression de la vérité et de la beauté.
2 Codifier la langue
Ainsi que Cicéron et Quintilien l'avaient fait avec la rhétorique latine, les linguistes classiques cherchent à codifier l'expression française.
Des grammairiens comme Vaugelas ou Ménage définissent dans leurs travaux le bon usage d'une langue pleine de clarté et d'élégance. Le français, doté de règles précises, se normalise et s'épure.
3 La rhétorique au service des enseignements moraux et religieux
Au Moyen Âge, l'imitation des auteurs antiques est mise au service de discours religieux. Au XVIIe siècle, le prêtre Bossuet mobilise toutes les ressources de la rhétorique dans ses Sermons, dont le ton virulent est destiné à ébranler les consciences de Louis XIV et de ses courtisans.
Fénelon fait un usage satirique de la parole dans ses Dialogues des morts (1712) : la conversation de grandes figures du passé lui sert à instruire en plaisant, conformément à la doctrine classique.
II La rhétorique antique réinventée
1 La rhétorique au service de la société de cour
C'est notamment à travers la réappropriation de la rhétorique antique que se produit le processus que Norbert Elias appelle « civilisation des mœurs » : la société aristocratique devient une société de cour, adepte de la joute verbale plutôt que de la lutte par les armes.
L'idéal humain du gentilhomme est tout entier résumé dans l'art de la conversation : il s'agit d'être un « honnête homme » à la parole élégante et plaisante, à la fois homme d'esprit et homme du monde.
Les salons favorisent la galanterie et les jeux littéraires ; l'art oratoire y tient une place essentielle.
Mot clé
Les salons, comme celui de Madame de Rambouillet, sont des lieux mondains où les gens de lettres se rassemblent régulièrement afin de converser et de partager leurs œuvres.
2 La rhétorique à la source du « beau parler »
L'art épistolaire, issu des grands épistoliers antiques comme Cicéron, est très en vogue dans la société aristocratique du XVIIe siècle. L'on y tâche d'informer le destinataire tout en le divertissant : des autrices comme Madame de Sévigné maîtrisent cet art à la perfection.
L'âge classique reste ainsi préoccupé par les usages de la rhétorique. Les Lettres de Guez de Balzac (1624), où les figures de style harmonieuses abondent, deviennent le modèle d'un « beau parler » à imiter.
La préciosité d'un Voiture, au discours richement orné de métaphores et d'hyperboles très recherchées, contribue à mettre en valeur la beauté du langage à travers le raffinement de la parole poétique.