La redécouverte des textes antiques crée chez les humanistes de la Renaissance et leurs héritiers un rapport singulier vis-à-vis de l'ensemble des connaissances humaines. La question se pose en littérature : peut-on – et doit-on – tout savoir ?
I Le désir de diffuser le savoir
1 Une soif de connaissance
À la Renaissance, l'idéal humaniste se caractérise notamment par un vif appétit de savoir, essentiel à l'épanouissement de l'être humain. Dans ses Regrets (1558), le poète Du Bellay écrit : « Je me ferai savant en la philosophie, / En la mathématique, et médecine aussi […] »
Cet engouement pour la connaissance se traduit par de nouveaux idéaux éducatifs. Rabelais développe ce modèle dans Gargantua (1534) : il s'agit d'affûter l'esprit dans tous les domaines ; la soif de savoir est à la mesure du gigantisme du personnage éponyme .
Dans ses Essais, Montaigne met à profit son érudition afin de parvenir à une forme de sagesse philosophique. Celle-ci se fonde sur la parfaite connaissance des sources antiques, qui nourrissent les réflexions d'un lecteur à la tête « bien faite » plutôt que « bien pleine ».
2 La transmission du savoir
Au milieu du XVe siècle, l'invention de l'imprimerie par Gutenberg permet la diffusion à grande échelle des livres, et donc des connaissances.
Le désir de transmission du savoir prend forme à travers les projets d'encyclopédie, comme la Margarita philosophica (« Perle philosophique ») de l'humaniste allemand Gregor Reisch en 1503.
Au XVIIIe siècle, l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert tente d'embrasser l'ensemble des savoirs de l'esprit humain, tant dans les arts que dans les sciences, ainsi que dans les différents métiers mécaniques. Il s'agit d'une entreprise éditoriale fondamentale de l'esprit des Lumières.
Mot clé
L'Encyclopédie est un ouvrage monumental de plus de 70 000 articles, composé de 17 volumes de texte et de 11 volumes de planches dessinées, publiés entre 1751 et 1772.
II L'importance de l'esprit critique
1 Un esprit en alerte
La littérature n'a de cesse d'avertir sur les dangers de la superstition. Aux Pensées sur la comète (1694) de Pierre Bayle fera écho la lutte de Voltaire contre le fanatisme au XVIIIe siècle.
De même, la légende de la dent d'or, racontée par Fontenelle dans son Histoire des oracles (1686), permet de tourner en dérision la mystification des fausses croyances.
Dans l'article « Agnus Scythicus » de l'Encyclopédie, Diderot cite l'exemple d'une « plante animale » dont une multitude de botanistes avaient affirmé à tort l'existence : il s'agit d'asseoir le primat de la raison.
À noter
Encore aujourd'hui, cet esprit des Lumières peut être mis à mal : ainsi du complotisme ou de la multiplication des fake news, qui défient en permanence notre esprit critique.
2 L'impossibilité du savoir universel
Malgré des connaissances toujours plus étendues, l'être humain doit faire preuve d'humilité face à l'immensité de son ignorance. Ainsi, à l'issue du conte philosophique Micromégas de Voltaire (1753), le géant offre aux humains un livre censé leur permettre de voir « le bout des choses ». Entièrement blanches, les pages invitent à la modestie.
En outre, la littérature avertit sur les dangers du fantasme d'un savoir absolu. Le personnage légendaire de Faust symbolise l'impasse de la quête d'une connaissance universelle.
Dans Tristram Shandy de Laurence Sterne (1759), le père du protagoniste rédige une « Tristrapédie » monumentale, censée éduquer son fils en grandissant ; cependant l'entreprise échoue, la croissance de l'enfant étant bien plus rapide que l'écriture de cette vaine somme de savoirs.